Poussée inflationniste et tensions sur les marchés, quel impact pour l’économie ?

Alors qu’elle avait disparu pendant près de 30 ans, depuis quelques mois l’inflation fait son grand retour. Longtemps qualifiée de « temporaire » par les banquiers centraux, elle atteint désormais ses plus hauts niveaux depuis plus de 40 ans : 8.3% aux Etats-Unis, 7.4% en Zone Euro, 9% au Royaume-Uni, ou encore 4.8% en France en avril en glissement annuel.

Les raisons de cette poussée inflationniste

La repise économique post-Covid19 ainsi que la flambée des prix de l’énergie sont en partie responsables de ce dérapage. Les colossaux plans de relance des Etats et les politiques monétaires très accommodantes des banques centrales ont également contribué à alimenter ces tensions inflationnistes.

La guerre en Ukraine a accentué ces pressions inflationnistes qui existaient avant le début du conflit et qui perdurent depuis plusieurs mois. Il s’agit en particulier des hausses de tarifs des matières premières qui, au-delà de l’énergie, se propagent sur les prix de l’alimentation, de certains produits industriels ainsi que sur les services. Le conflit a également désorganisé certaines chaînes d’approvisionnement en augmentant les délais et en rendant ces délais très incertains. Ceci a fortement contribué à augmenter les inquiétudes des entreprises et des ménages. Parallèlement, la politique de tolérance zéro contre le Covid-19 en Chine a aggravé les problèmes sur les chaînes d’approvisionnement mondiales provoquant un choc de l’offre. Les importantes hausses des prix qui en résultent créent des tensions fortes sur les salaires et font courir le risque d’enclencher une spirale inflationniste.

Quels risques ?

Le risque de telles pressions inflationnistes est un ralentissement marqué de la croissance mondiale. Les derniers résultats des entreprises de la grande distribution aux Etats-Unis montrent des signes d’essoufflement avec un risque de récession à venir. Le consommateur américain, impacté par l’inflation, risque de réduire de façon importante ses dépenses, couplé à une baisse de l’investissement des entreprises (perspectives moins bonnes) peut créer un choc de la demande. Dans ce contexte de craintes, les marchés financiers ont fortement corrigé, le S&P500 a perdu près de 20% depuis ses plus hauts.

Pour tenter de contrôler ce phénomène de spirale inflationniste et éviter une situation de stagflation (croissance économique faible et forte inflation), les banques centrales resserrent de plus en plus leurs politiques monétaires accommodantes mises en place avant et pendant la pandémie.

La réaction américaine

Aux Etats-Unis, la Banque Centrale (FED) a déjà commencé la normalisation de sa politique monétaire en procédant à deux hausses de taux d’intérêt de 25 puis 50 points de base cette année. Le principal instrument de la politique monétaire de la Fed (Fed Funds), est ainsi porté dans une fourchette entre 0,75% et 1%. Par ailleurs, la Réserve fédérale, qui a accumulé pour 9 000 milliards de bons du Trésor et autres titres à son actif en versant des liquidités dans le système financier pour soutenir l’économie pendant la pandémie, va commencer à réduire son bilan à partir du 1er juin, autre outil de resserrement monétaire pour tempérer la pression inflationniste.

Avec un taux de chômage proche de son niveau d’avant-pandémie (3.6 % en avril), Jérôme Powell, le président de la FED s’est dit confiant dans la capacité de l’économie américaine à supporter une politique monétaire moins accommodante.

Et en Europe ?

En Zone Euro, l’invasion de l’Ukraine par la Russie complique la tâche de la Banque Centrale Européenne qui va devoir ajuster sa réponse monétaire au double risque d’un choc d’inflation et d’un ralentissement de la croissance. Les marchés anticipent une première hausse des taux directeurs de la BCE au mois de juillet 2022 avec une seconde hausse en septembre puis une troisième en décembre ce qui pourrait refaire passer les taux courts européens en territoire positif dès cette année ce qui n’avait pas été revu depuis 2015.

Dans ce contexte, la Commission Européenne a fortement revu ses prévisions économiques à la baisse. La croissance dans la Zone Euro est maintenant attendue à 2.7% en 2022, contre 4.0% espérés avant l’invasion de l’Ukraine.

Dans ce contexte général moins porteur, il est bon de se rappeler la capacité de réaction et d’adaptation des Banques Centrales, des Etats et des entreprises. L’environnement actuel demande plus que jamais de l’agilité.