un médecin de sexe masculin d'âge moyen parle avec une femme d'affaires, une vendeuse dans le couloir de l'hôpital alors qu'ils se rendent à une réunion, avec une jeune infirmière et des patients dans le couloir très fréquenté.

Interview de Frank Assaban – Président fondateur VIRTUALIS

Témoignage sur la création de Virtualis.

Pourriez-vous vous présenter ? expliquer votre vision de kiné ? et votre histoire d’entrepreneur ?

Je suis kinésithérapeute de formation, spécialisé dans la rééducation des vertiges, des troubles de l’équilibre et mal des transports. Ce que l’on appelle la rééducation vestibulaire. Dans ce cadre, j’ai cherché des solutions plus abouties pour certains patients afin de reproduire les conditions qui provoquent par exemple le mal des transports, à la manière de la désensibilisation progressive des allergies.

J’ai commencé à m’intéresser à la réalité virtuelle parce que cela m’est apparu pertinent pour donner au patient la sensation qu’il est en mouvement alors qu’il ne l’est pas, pour recréer des conflits que l’on ressent par exemple lorsque l’on se trouve à l’arrière d’une voiture sans voir la route. Et ainsi identifier ce qu’on pouvait implémenter dans un cabinet.

A l’époque les casques de réalité virtuelle coûtaient cher, la technologie n’était pas encore mature. J’ai d’abord fabriqué manuellement des dispositifs, notamment en bricolant un masque d’apiculteur avec un cadre en fil de fer et du papier journal. J’ai présenté ce modèle très artisanal à des congrès, et de nombreuses personnes me demandaient comment se les procurer.

En 2012, la société Oculus a lancé en financement participatif un casque VR à un tarif très abordable, qui a retenu mon attention. Dès les premiers tests, je me suis rendu compte qu’il s’agissait exactement de ce que je cherchais. Cela apportait vraiment des sensations de mouvement très fortes. Ce qui pouvait permettre de traiter tout type de conflit sensoriel et ainsi remplacer du matériel encombrant qu’on avait dans notre cabinet pour la rééducation des vertiges. Je me suis entouré d’un développeur qui avait une formation d’infirmier – et qui comprenait donc très bien la dimension thérapeutique du projet – et j’ai fondé Virtualis en 2015. 

Quelles sont les applications concrètes de la réalité virtuelle dans la prise en charge des patients ?

L’objectif était donc de créer des applications thérapeutiques, afin de reproduire par exemple une boule à facette lumineuse (L’optocinétique) – matériel de rééducation classique – qui projette des points qui donnent l’impression que la pièce est en rotation et que l’on est soi-même en mouvement. Avec notre masque, on reproduit une sphère qui va bouger et le patient doit suivre les points lumineux. Cela est à la fois beaucoup plus efficace, nécessite beaucoup moins de réglages et est également moins coûteux. Parce qu’il faut savoir que dans les cabinets de rééducation des vertiges on avait une pièce qui était dédiée à la boule à facettes. Cette pièce devait être totalement dans le noir avec fenêtres obscurcies et porte calfeutrée, et nous devions rester tout au long de la séance à côté du patient. Ce qui représentait beaucoup de contraintes.

Il y a aussi des pathologies – plus complexes à aborder – pour lesquelles il fallait recréer des conditions particulières. Par exemple, le syndrome de l’autoroute qui est lié à un trouble du défilement visuel et qui se révélait très compliqué à traiter. Maintenant on donne au patient un volant de jeu vidéo avec des pédales, un masque de VR, et cela lui donne l’impression de conduire sur l’autoroute dans les conditions réelles.

Petit à petit, Virtualis a diversifié son offre. Nous proposons aujourd’hui également une solution complète de rééducation fonctionnelle, PhysioVR. Parmi les modules disponibles, il y a notamment la thérapie miroir en VR qui permet de prendre en chargedes patients ayant subiun AVC, des amputés ou des patients souffrant d’algodystrophie. 

Quels changements l’introduction de ces masques induit-elle dans la relation patient-kiné ?

Quand on fait de la rééducation – quel que soit le domaine – on cherche le plus possible à placer le patient dans les conditions réelles, pour que le cerveau soit éduqué avec quelque chose qui lui évoque une situation précise, comme un paysage qui tourne.

Cela offre beaucoup plus de souplesse et permet de s’isoler de l’environnement « blouse blanche ». Le patient oublie ainsi qu’il est en rééducation. On a des résultats plus rapides et qui vont beaucoup plus loin que ce que l’on pouvait faire en physique dans certains domaines, surtout en neurologie. En centre de rééducation, quand le patient a eu un AVC, une prothèse, une opération lourde de l’épaule, du dos, etc. il va passer plusieurs mois dans ce centre. Une routine de rééducation va s’installer. Ce qui peut sembler à la longue rébarbatif. Le fait d’apporter un aspect ludique avec un score, une progression, cela change complétement la prise en charge. Les patients y vont avec le sourire et ils ont envie d’y retourner parce qu’ils jouent et qu’ils atteignent des objectifs.

Autre avantage significatif : le masque permet de lutter contre la peur du mouvement. Si on anticipe qu’on va avoir mal, on aura mal. Si par contre, on met le patient dans un environnement ludique, et que l’on détourne ainsi son attention, on peut progressivement l’amener à faire le mouvement qu’il appréhende, et ce sans douleur. En neurologie, à partir du moment où on arrive à faire croire quelque chose au cerveau, le cerveau va tout faire pour y arriver. 

Ces applications s’adressent-elles uniquement aux kinés ?

Nous avons une communauté de plus de 500 clients à travers 26 pays. En majorité des kinésithérapeutes mais nous comptons aussi des médecins de Médecine Physique et de Réadaptation, , ergothérapeutes, ORL, kiné spécialistes, orthophonistes, etc.

Nous avons aujourd’hui 4 domaines de prédilection :

  • Rééducation Fonctionnelle : Kinésithérapeutes, Médecins de Médecine Physique et Réadaptation, Centre de Rééducation et Cliniques de soins de suite et réadaptation, Psychomotriciens, Ergothérapeutes, etc…
  • Rééducation des Vertiges / Mal des Transports : Kinésithérapeutes spécialisés Troubles de l’Equilibre/Vestibulaires, Médecins ORL
  • Traitement des Phobies / Anxiété, Troubles psychiques : Psychiatres, Psychologues, Psychanalystes, les professionnels pratiquant les Thérapies Cognitives et Comportementales
  • Seniors / Gériatrie : Médecins Gériatriques, établissements de soins spécialisés (département en R&D)  

Avec votre expérience à la fois de kiné et d’entrepreneur, quelle est votre vision des cabinets de kiné en France en termes d’innovation ?

La France est un marché très dynamique, si ce n’est très en avance. Par exemple, dans un domaine que je connais particulièrement bien, les kinés du vertige en France, ils ont énormément d’avance sur tous les autres pays du monde, Etats-Unis compris.

Les cabinets français sont en général bien équipés, avec des cabines de cryothérapie pour la récupération des sportifs, des petites balnéo, des plateformes de rééducation, etc. De plus en plus de kinés se regroupent afin de pouvoir financer à plusieurs l’achat d’équipement. Ce qui permet de se démarquer par rapport aux autres cabinets et d’apporter une qualité de soins encore supérieure à leurs patients.

Comment accompagnez-vous les kinés aujourd’hui en termes de R&D ?

En 2020, Virtualis a lancé MotionVR : une plateforme de posturographie dynamique et de rééducation combinant la réalité virtuelle et de nombreuses technologies de pointe. Cet appareil tout-en-un permet de multiples applications thérapeutiques. A l’aide de cet équipement, il est possible de réaliser des bilans complets ou encore des exercices de rééducation, rendus progresifs et plus ludiques avec la VR. L’appareil regroupe deux plateformes de force avec 4 capteurs par pied, une répartition des appuis, des mouvements à 360 degrés contrôlés et quantifiables, tout en restant ultra-compact pour un encombrement minimal des cabinets ou centres.

Plus globalement, tous nos logiciels sont conçus en collaboration avec des équipes de recherche, des spécialistes du domaine et des professionnels « Bêta-testeurs ». L’objectif est de répondre au mieux aux besoins des utilisateurs et d’optimiser l’efficacité pour les patients.
Nous collaborons actuellement avec une quinzaine d’équipes mondialement connues en France, Belgique, USA, Suède, Australie, etc…