GRHyN révolutionne la production d’hydrogène vert grâce aux micro-organismes marins
Le 30 janvier dernier, à Rennes, la Fondation Banque Populaire et Crédit Maritime a dévoilé les 12 projets distingués lors de l’édition 2023 de son appel à projets “Territoire Recherche”. Les lauréats sélectionnés ont été récompensés d’une enveloppe totale de 100 000 € destinée à soutenir leurs travaux. Parmi eux, Jordan Hartunians, fondateur du projet GRHyN au Laboratoire de Microbiologie des Environnements Extrêmes, a reçu le prix “Coup de cœur”. Entretien.
Quelle est la genèse du projet GRHyN?
Comme beaucoup, je suis sensibilisé aux prévisions alarmantes émises par les experts scientifiques sur le changement climatique, un phénomène que nous sommes en train de vivre et qui s’accélère. Pendant mes études en microbiologie marine, j’ai donc décidé de diriger ma carrière vers des projets à impact positif.
En explorant des solutions aux changements climatiques, j’ai constaté l’émergence de nombreuses solutions, notamment celle de l’hydrogène, une option prometteuse pour réduire significativement nos émissions de CO2. Cela m’a intéressé car il est possible de libérer l’énergie de l’hydrogène sans émettre de CO2. Pour que cette molécule soit vraiment utile, il faut la produire de manière décarbonée. Or actuellement, la plupart de l’hydrogène que nous produisons est basée sur l’utilisation d’hydrocarbures, ce qui n’est ni durable ni écologique, et peut émettre plus de 10 kg de CO2 par kg d’hydrogène.
Au cours de mon doctorat, j’ai concentré mes recherches sur des micro-organismes provenant des fonds océaniques, dotés de la capacité naturelle de produire de l’hydrogène. À la fin de ce travail en 2020, j’ai identifié un potentiel et décidé de lancer mon projet de startup. J’ai présenté rapidement mon projet au concours d’innovation Octo’pousse de l’Ifremer, ce qui m’a donné accès à des laboratoires de l’institut, la possibilité de collaborer avec des équipes de recherche sur place, et un budget afin de maturer cette nouvelle technologie.
En quoi consiste la technologie que vous avez développée ?
En pratique, la technologie que nous développons est une solution industrielle de production d’hydrogène propre. Imaginez une sorte de brasserie à hydrogène, où des microorganismes marins optimisés consomment des déchets agro-industriels pour produire de l’hydrogène renouvelable, sans émissions de CO2. Cela ressemble plus ou moins aux procédés de fermentations que nous connaissons. Avec ces travaux, nous ambitionnons de contribuer massivement à la lutte contre le changement climatique grâce à la biologie synthétique.
Le projet GRHyN a été récompensé trois fois par la Fondation Banque Populaire et Crédit Maritime : quelle importance ce soutien revêt t-il pour le développement de votre technologie ?
Ces prix nous ont permis d’aller un plus loin dans le développement de GRHyN. Concrètement, ils nous ont donné la marge nécessaire pour explorer des améliorations qui auraient été trop coûteuses autrement, et ainsi optimiser nos rendements. Nous avons également profité de ces soutiens pour élargir notre réseau en participant à un congrès. Ce sont des aides cruciales pour faciliter le processus de développement de notre technologie.
Ce soutien est particulièrement bénéfique pour ceux qui veulent sortir du milieu académique de la recherche et qui n’ont pas d’autres sources de financement à cette échelle. Cela offre une transition efficace vers le développement concret de projets.
Quels sont les challenges auxquels GRHyN peut aider à répondre ?
Notre procédé permet de créer une nouvelle source d’énergie en produisant de l’hydrogène propre, sans émissions de CO2.
Pour que beaucoup de gens l’utilisent, notre solution doit être à la fois abordable et respectueuse de l’environnement, afin de s’inscrire dans une économie circulaire. Actuellement, l’hydrogène vert est cher, rare et utilise des technologies qui ne permettront pas d’assurer une adoption de masse de manière durable. Notre approche vise donc à répondre à ces défis.
Avez-vous déjà identifié les secteurs d’application de cette technologie ?
Notre invention porte un fort potentiel économique. Bien qu’elle soit encore en phase de maturation technologique, nous souhaitons développer des modèles économiques qui favorisent une proximité maximale avec les consommateurs d’hydrogène, tels que les machines agricoles et les bateaux par exemple. L’hydrogène est un domaine en pleine structuration, et offre ainsi de nombreuses opportunités et applications potentielles, que ce soit dans la mobilité ou l’industrie lourde.
Notre objectif est donc d’établir des unités de production locales, pour offrir des services au plus proche des consommateurs et favoriser l’indépendance énergétique des territoires. En encourageant la transformation des déchets générés par ces mêmes consommateurs en une source d’énergie, nous visons une boucle circulaire efficace.