La Korrigane : un navire de recherche innovant au service de la connaissance des océans
Inaugurée à son port d’attache de Saint-Malo le 8 novembre 2024, La Korrigane est un navire scientifique bas carbone dédié à l’étude des écosystèmes marins. Fruit d’une collaboration entre le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), le lycée d’apprentissage maritime de Saint-Malo, les professionnels de la mer, du monde scientifique et d’associations environnementales, ce prototype contribue à réduire l’empreinte environnementale de la navigation scientifique.
Pensée comme un modèle d’écoconception, La Korrigane est un monocoque en aluminium recyclé équipé d’une propulsion mixte électrique et diesel. Avec deux tonnes de batteries intégrées, le bateau s’appuie principalement sur la propulsion électrique. “Notre objectif était de concevoir un bateau autonome sur des sorties à la journée, ce qui représente à peu près 80% de nos besoins en recherche, et nous permet donc de réduire considérablement nos émissions carbone”, explique le scientifique.

Un projet collaboratif
Tout a commencé par une discussion entre Emmanuel Cornee, directeur du lycée d’apprentissage maritime de Saint-Malo, Pascal Lecler, président du Comité départemental des pêches d’Ille et Vilaine et Éric Feunteun, professeur d’écologie marine au MNHN et directeur de la station marine de Dinard. « Nous devions remplacer le Louis Fage, l’ancien bateau de recherche de la station, tandis que le lycée maritime se retrouvait sans navire après le naufrage de son bateau-école. Ensemble, nous avons imaginé un navire innovant, à faible empreinte carbone, qui serait à la fois pédagogique et opérationnel pour la recherche. L’objectif : démontrer que la recherche peut et doit s’adapter à la transition énergétique », explique Éric Feunteun.
Grâce à un financement du fonds européen pour la pêche et l’aquaculture (FEAMP GALPA) et la région Bretagne, il a été possible de réaliser le projet architectural du navire. Pendant un an, différents acteurs ont ainsi travaillé à la conception de ce nouveau bateau. Après avoir obtenu un premier financement, les porteurs du projet se sont entourés du cabinet d’architectes navals SHIP-ST et d’un comité de réflexion réunissant pêcheurs, conchyliculteurs, mytiliculteurs, scientifiques, associations environnementales et financeurs.
“Cependant, il nous manquait un peu d’argent pour finir ce projet : c’est là qu’est intervenu Crédit Maritime, en apportant les 14 000 € qui manquaient par le biais de sa fondation”, ajoute Eric Feunteun.
Par la suite, des financements européens ont permis de réunir un budget total de 1,9 million d’euros, permettant de lancer un appel d’offres remporté par le chantier naval Gléhen à Douarnenez, chargé de construire ce navire prototype.
Un laboratoire au service de la recherche marine
À bord, La Korrigane est équipée pour réaliser des échantillonnages, cartographies et observations. Elle dispose d’équipements de pointe tels que des sonars avancés et des systèmes acoustiques. “La propulsion électrique étant plus lente, nous devons repenser notre manière de travailler. Durant ces sorties en mer, nous effectuons des observations du milieu, grâce à une panoplie d’appareils dont nous disposons, mais aussi d’analyses que nous faisions normalement en laboratoire”, souligne Eric Feunteun.
Le navire et son équipe de scientifiques sont déjà engagés dans plusieurs missions telles que la cartographie des fonds marins côtiers, un domaine encore mal renseigné de nos jours. Dès mars 2025, La Korrigane mènera des levées sonar dans la baie de Saint-Brieuc et le long de la côte d’Émeraude sur près de 500 km, combinant des échosondages à des inventaires de biodiversité réalisés avec des caméras et des plongeurs scientifiques. Ces données permettront de produire des cartes inédites en haute résolution de la diversité des habitats marins. Ces informations alimenteront une méthodologie nationale destinée à évaluer l’impact des infrastructures comme les parcs éoliens offshore sur les écosystèmes marins.
Un bateau de démonstration à la fois pédagogique et opérationnel
Quelques mois après son inauguration, La Korrigane continue de vivre sa vie de démonstrateur. « Nous envisageons d’ajouter des voiles rigides solaires afin de réduire l’empreinte carbone du bateau sur les longues distances, grâce à une économie de 10 à 20 % de carburant », précise t-il.
En plus de ses campagnes scientifiques, le bateau contribue à former les marins professionnels, en collaboration avec le lycée d’apprentissage maritime de Saint-Malo et le comité des pêches d’Ille-et-Vilaine.
Véritable symbole du savoir-faire maritime bas carbone et ambassadeur de la recherche marine, le bateau pourrait accoster à Paris au printemps, face au Jardin des Plantes, pour sensibiliser petits et grands à la préservation des océans et à l’importance des métiers de la recherche marine.
Crédits photos : E. Feunteun, MNHN, Station Marine de Dinard