Le Shom contribue à une meilleure connaissance de l’océan

Le Shom, service national d’hydrographie et d’océanographie, fournit la connaissance physique de l’océan. Son expertise, reconnue internationalement, ses produits et services répondent aux besoins des forces armées, garantissent la sécurité des navigateurs, guident les politiques publiques de la mer et du littoral, accompagnent le développement de l’économie bleue et contribuent à la préservation de l’environnement marin. Thierry Schmitt, adjoint au chef du département bathymétrie (mesure de la profondeur et du relief des fonds marins), nous éclaire sur la mission, les activités et les enjeux actuels de la structure. Entretien.

Quel est le rôle du Shom dans la connaissance de l’océan ?

Le Shom mesure, décrit et anticipe l’évolution du milieu marin. À ce titre il décrit divers champs physiques tels que les niveaux de la mer, les courants, les sédiments marins, la houle, la température de la mer, la salinité, les bruits sous-marins, les reliefs, les champs magnétiques…, que ce soit dans l’océan profond ou le long des côtes. La bathymétrie, quant à elle, consiste à mesurer la profondeur des océans et ainsi à en dessiner le relief. Cette science est primordiale dans le cadre de la sécurité de la navigation, la recherche scientifique ou encore le développement de l’économie bleue,

Comment sont collectées les données bathymétriques ?

Elles sont principalement acquises par des sondeurs acoustiques embarqués sur des navires hydrographiques et océanographiques. Ces instruments émettent des faisceaux acoustiques qui se réfléchissent sur le fond marin, permettant ainsi d’en mesurer la profondeur. L’ensemble des faisceaux forme sous le navire une bande de mesures bathymétriques, dont la largeur représente environ 5 à 7 fois la profondeur de l’eau. Grâce à notre quinzaine de sondeurs qui sillonnent les mers françaises, nous cherchons à produire une cartographie des fonds marins la plus précise possible.

Avec environ 11 millions de kilomètres carrés, la zone économique exclusive française est la deuxième plus vaste après celle des États-Unis. L’effort de cartographie systématique reste conséquent, considérant notamment les contraintes opérationnelles associées à ces opérations (mobilisation des équipes en mer, équipements scientifiques de pointe, etc.), le tout dans des conditions en mer souvent exigeantes. L’apport des capteurs satellitaires permet de couvrir des surfaces plus vastes plus rapidement, mais n’offrent pas le même degré de précisions. Demain, la robotique marine, comme les drones de surface ou les sous-marins, viendra également renforcer notre capacité d’exploration.

Concrètement, à quoi servent les données collectées par le Shom ?

Ces données garantissent notamment la sécurité en mer en assurant la fiabilité des cartes marines utilisées par tous les navigateurs, civils comme militaires. C’est l’une des activités majeures du Shom. Elles permettent aussi de modéliser les courants et les vagues, ce qui sert à la prévision océanographique, à la protection du littoral et à l’adaptation au changement climatique.

Sur le plan scientifique, ces données contribuent également à la compréhension des phénomènes géologiques (tectonique des plaques, volcanisme sous-marin, déplacement de dunes) et océaniques, mais aussi à la modélisation des risques naturels. Elles aident à identifier les habitats marins et à expliquer pourquoi certaines espèces se concentrent dans des zones précises. Elles servent ainsi à définir des aires marines protégées et à orienter les politiques de conservation de l’environnement marin.

Enfin, elles jouent un rôle stratégique pour la défense : la Marine nationale s’appuie sur ces données pour naviguer et opérer en toute sécurité, y compris dans des contextes sensibles.

Le Shom est-il impliqué dans des initiatives internationales ?

Oui, très activement. Le Shom et la France sont particulièrement moteurs sur les questions de bathymétrie à l’échelle européenne. Nous coordonnons le projet Emodnet Bathymetry, qui vise à rassembler, harmoniser et diffuser les données bathymétriques produites par l’ensemble des pays européens. L’idée est d’avoir une base cohérente, fiable et à haute résolution pour mieux décrire les fonds marins européens.

Ces données sont ensuite transmises au projet Seabed 2030, une initiative mondiale lancée par GEBCO et la Nippon Foundation et soutenue par l’Organisation hydrographique internationale (OHI) et la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO. L’objectif est ambitieux : parvenir à cartographier 100 % des fonds marins d’ici 2030, avec une résolution minimale de 500 mètres. Depuis le lancement du projet en 2017, nous sommes passés de 6 % à 25 % de la surface des océans connus selon les standards actuels.

Le Shom est pleinement engagé dans cette dynamique. Nous croyons au partage des données, mais aussi au partage des connaissances et des savoir-faire. Cela suppose de travailler en réseau, de rendre les données interopérables, de les fusionner à différentes échelles pour qu’elles puissent être exploitées efficacement.

Cette coopération internationale permet non seulement de progresser collectivement dans la connaissance des fonds marins, mais aussi de renforcer les liens entre institutions et de faire circuler les bonnes pratiques.

Quels sont les principaux enjeux du Shom pour l’avenir ?

À la suite de la Conférence de l’ONU sur l’Océan à Nice et de l’adoption d’un pacte européen ambitieux pour l’Océan, l’hydrographie s’affirme comme un élément central des politiques maritimes à venir. Pour un espace maritime aussi vaste que celui de la France, disposer de données fiables est indispensable à une prise de décision éclairée.

Pour accélérer la connaissance et répondre à ces nouveaux enjeux, le Shom innove en modernisant sa flotte de navires ainsi que ses moyens d’exploration et de traitement des données, en s’appuyant notamment sur l’usage de drones et le recours à l’intelligence artificielle. L’enjeu est d’intégrer ces nouveaux outils aux pratiques opérationnelles, de les articuler avec les moyens existants, et d’en tirer tout le potentiel pour améliorer l’acquisition et la fiabilité des données. Cette évolution est essentielle pour faire face à l’ampleur des zones à cartographier, mais aussi pour répondre à des besoins croissants en matière de sécurité, d’environnement et de connaissance de l’océan.

Plus d’informations : shom.fr

© Crédit photo : Marine Nationale, Shom