Parcours de réussite épisode 3

Le mieux est l'ennemi du bien

Théo a 26 ans, il est originaire de Cayeux-sur-Mer et pratique le Kitefoil depuis 15 ans. Il est sacré Champion du Monde en 2021 et fait partie de l’Equipe de France. Sa discipline fera son entrée aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 et même si la France est une des meilleures nations de sa discipline (cocorico), un seul athlète français obtiendra le ticket de qualification pour la première olympiade de l’histoire de la discipline.

C’est dans ce contexte de vive compétition et avec beaucoup de recul que Théo a accepté de nous partager l’état d’esprit dans lequel il a traversé sa saison 2023.

Théo, dans quel état d’esprit as-tu abordé la saison 2023 ?

A un an de l’échéance olympique, le niveau d’intensité des compétitions et des entrainements est monté en puissance. Les attentes en termes de résultats augmentent car chacun a à cœur de briller pour marquer des points dans la course à la qualification ce qui entraine une cadence d’entrainement plus dense.

Je fais partie de ces gens qui ont besoin de se donner, de s’investir, et de vivre les choses à 100%. Pour préparer 2023 ma stratégie aurait pu se résumer à « toujours plus ».
Je voulais en faire plus que les autres, investir un maximum de temps à l’entrainement et avoir un temps d’avance par rapport à mes concurrents (sur les plans technique, matériel et physique)
Quand je n’étais pas en entraînement avec l’équipe de France, j’étais en train de tester du matériel, entouré des ingénieurs de mes différents équipementiers, et quand je n’étais pas sur l’eau, j’étais à la salle de sport, ou devant mon ordinateur à analyser des données.
100% de mon temps était dédié à ma préparation et je ne laissais pas la place à d’autres activités.

Quel a été ton leitmotiv toute la saison ?

  • 100% et toujours plus.
  • 100% de mon temps pour ma préparation
  • 100% de mon énergie pour ma préparation
  • Et la quête permanente du petit plus qui ferait la différence.

Quelles conséquences sur ta vie ?

Se donner à 100% sur une activité 100% du temps ne laisse aucune place à autre chose.
Cette « philosophie » m’a coupé du monde extérieur. Je me suis réfugié toute la saison dans la petite bulle que je m’étais créée, et me suis privé de moments de vie « normaux », des interactions avec des personnes extérieures au sport (dont ma famille).

Quels résultats cette saison ?

Je suis entré dans un cercle vicieux : plus je m’entrainais plus je m’épuisais car je ne m’accordais pas de temps de repos suffisant ce qui ne m’a pas permis d’enregistrer les résultats escomptés. J’essayais de contrer ces résultats décevants et la frustration par plus d’entrainements en mettant les bouchées doubles.
J’en suis arrivé à un stade où le plaisir (mon moteur premier) s’est envolé.
Je passe à côté de la qualification pour le Test Event et termine 28e des Championnats du Monde. Ce rendez-vous mondial a été la pire régate de ma vie psychologiquement. J’ai vraiment subi le championnat toute la semaine.

A l’issue des championnats du monde, tu décides de retrouver ta famille.
En quoi ce temps partagé a été révélateur ?

Après le championnat du Monde éprouvant, j’ai décidé de faire une pause de navigation et de couper ma routine d’entrainement en allant passer du temps avec ma famille. Ce séjour auprès des miens a été libérateur. Après avoir été 100% focus sur ma préparation (et donc sur moi), j’ai pu prendre le temps de me reconnecter à la vraie vie et d’échanger avec mes proches sur leurs projets. J’ai également profité de ce séjour pour reprendre plaisir à naviguer pour la beauté du sport.

Cette pause a-t-elle rapidement eu un impact sur ta préparation ?

Cette pause m’a permis de reprendre un maximum de plaisir lors du stage avec l’équipe de France qui a précédé le Championnat d’Europe et de conserver cette sensation le temps de la compétition. J’ai eu le sentiment de retrouver l’état d’esprit dans lequel j’étais lors de mes premières compétitions : se faire plaisir, et profiter du moment.
Même si le résultat n’a rien d’incroyable (8eme), j’ai vu que j’avais encore tout le potentiel pour gagner, et j’ai vraiment reconnecté avec le moteur de ma pratique.

Dans quel état d’esprit es-tu pour la saison qui arrive ?

J’ai énormément appris cette année, et je compte bien capitaliser sur ces enseignements pour aborder 2024 avec plus de force.
Cet hiver, je vais intégrer à mon planning des phases de coupures. Je profiterai de ces moments « off » pour découvrir de nouvelles activités et partager du temps avec mes proches. M’éloigner de temps à autre du noyau dur de la communauté de kitefoilers de haut niveau me permettra de nourrir d’autres aspects de ma personnalité.
De manière globale, j’ai à cœur de trouver l’équilibre entre l’investissement dans mon projet sportif et les autres facettes de ma vie.

S’il y a encore quelques mois c’était impensable à mes yeux, aujourd’hui je le sais : le mieux est l’ennemi du bien.