
Mas Font : le domaine des lamas d’Anne-Marie et de Thierry


Nom : Domaine sylvo-pastoral du Mas Font
Activité : Élevage de lamas et exploitation forestière
Année de création : 1991
Dirigeants : Anne-Marie et Thierry Drechou
Localisation : Taillet (66)
« Sale vilaine bête de tonnerre de Brest ! Qui est-ce qui m’a fabriqué des animaux pareils ! », rage le capitaine Haddock dans Le Temple du Soleil (un des albums narrant les aventures de Tintin) en recevant en plein visage un jet de salive de lama. Et comme on le comprend ! De ce geste de défense reflétant l’agacement de l’animal, Thierry Drechou peut en parler des heures. Avec leur robe à poils bruns, ocre ou blancs et leur long cou, impossible de ne pas les croiser dans la forêt de chênes-lièges du Mas Font, le domaine de Thierry et d’Anne-Marie, son épouse. Rencontre avec les éleveurs et découverte du pays des lamas.

Un coin de paradis
« Tout a commencé pour nous sur un coup de cœur pour la région et le fort désir d’y construire un projet commun de longue haleine », commence Thierry. « Ce lieu est magique ! », renchérit Anne-Marie en mentionnant la situation géographique du Mas Font agrippé sur les hauteurs du village de Taillet, dans les Pyrénées-Orientales. Un coin de paradis, le leur, au milieu d’une forêt de chênes-lièges située entre Vallespir et Aspres. « C’est là qu’en 1991 nous établissons notre camp, proche de la nature et dans cette bâtisse du 17ème siècle en balcon sur un paysage ouvert jusqu’à la mer », précise-t-elle. « Nous voulions que nos enfants puissent grandir dans ce milieu, et le leur transmettre le temps venu », continue Thierry.
Un deuxième souffle
« Lorsqu’on s’est installés, on a raisonné en apiculteurs », poursuit-il, « en cherchant l’endroit idéal en termes d’altitude, de diversité du relief et de diversité florale pour nos cinquante ruches de Haute- Provence ». « Il y avait des floraisons à tous les étages et de l’eau partout », détaille Anne-Marie. En 1995, alors même qu’ils viennent d’acquérir le mas et son domaine forestier de 70 hectares, ils s’installent comme jeunes agriculteurs. Le couple possède deux cents ruches. Au passage à l’an 2000, ils décident de changer d’orientation. D’apiculteurs, ils deviennent sylviculteurs exploitants pour produire du liège et du bois de chauffage… et se transforment aussi en éleveurs de lamas, pour le meilleur et pour poursuivre leur aventure. Un second souffle pour Anne-Marie et Thierry. Ce dernier connaît bien la forêt « pour avoir exercé au Canada, dans une autre vie, le métier de bûcheron ».

Un nid pour les lamas
Quant aux lamas, d’où vient cette idée ? Ils reconnaissent en chœur que tout autour du mas « c’était la jungle ». Et d’expliquer : « Nos lamas, 25 au total, de par leur faculté d’adaptation au milieu qu’on leur offre, sont la preuve parfaite qu’ils peuvent tenir le rôle de débroussailleurs de la forêt et concourir à la protection de cette dernière contre les incendies ». Dans le domaine, les lamas sont aux anges ! Aujourd’hui, après plusieurs métiers, Anne-Marie et Thierry sont fiers du chemin parcouru. « Nous avons été pionniers dans le département : pour l’élevage de lamas, allant du processus de tonte au traitement de la laine ; pour la pratique de la sylviculture du chêne vert et du châtaignier en couvert continu, un type d’exploitation forestière assurant le maintien et l’enrichissement de la biodiversité ; pour la régénération naturelle et la préservation des paysages qui créent les ressources alimentaires des lamas. Nous répondons pleinement aux enjeux de notre époque. Et plus particulièrement, nous prouvons l’efficience de nos modèles de production, là où la plupart nous prédisaient l’échec ! ». Un chemin peuplé d’embûches. Telles les aventures d’Ulysse contées par Homère dans son épopée antique, l’Odyssée. Ulysse –personnage favori d’Anne-Marie et Thierry – finira par parvenir à son but envers et contre tout : regagner son cher royaume d’Ithaque. Au Mas Font, les batailles d’Anne-Marie et Thierry, elles, les ont menés à une tout autre victoire : exploiter leur chère forêt et y élever des lamas. Mais en définitive, d’Ithaque à Taillet, peut-être n’y avait-il qu’un pas ? N’est-ce pas celui qui permet parfois à la réalité de rejoindre la fiction ?
Crédit photo : Anne Marie DRECHOU