Inflation : quelles classes d’actifs privilégier ?
L’environnement d’inflation élevée et durable redonne de l’attrait à certaines classes d’actifs, rappelant l’importance de diversifier son allocation.
C’est son plus bas niveau depuis deux ans. En octobre 2023, l’inflation est tombée à 2,9 % en glissement annuel en zone euro(1), contre 4,3 % un mois plus tôt. En douze mois, elle a été divisée par plus de 3 (10,6 % en octobre 2022). Un recul également enregistré en France où les prix à la consommation ont augmenté de 4 % en octobre(2) contre 4,9 % en septembre. « Cette baisse est due au ralentissement sur un an des prix de l’énergie, de l’alimentation et, dans une moindre mesure, des produits manufacturés », explique Jean-Christophe Brun, Stratégiste Solutions chez Natixis Investment Managers Solutions.
Un niveau d’inflation durablement élevé
Un recul qui ne doit pas pour autant être tenu pour acquis. En effet, à court terme, un rebond de l’inflation n’est pas exclu en raison de l’incertitude sur l’évolution des prix de l’énergie liée aux tensions géopolitiques en Ukraine et au Proche Orient. Par ailleurs, l’enquête de la Banque centrale européenne (BCE) sur les anticipations d’inflation des consommateurs montre que ces derniers les ont revues à la hausse pour les 12 prochains mois. Enfin, l’inflation se maintiendra durablement à des niveaux plus élevés que ceux enregistrés lors de la dernière décennie pour au moins trois raisons : les prix des services sont légèrement repartis à la hausse, portés par l’ajustement automatique sur l’inflation d’une partie des salaires (en deux ans, le SMIC horaire brut a augmenté de 12,4 % à 11,52€) ; la baisse de la productivité, particulièrement en Europe, augmente les coûts structurels des entreprises ; la transition énergétique génère une hausse des dépenses à la fois pour les particuliers et les entreprises, ce qui se répercute sur les prix.
Le retour de l’obligataire et du monétaire
Pour contenir l’envolée de l’inflation, les banques centrales ont accéléré la normalisation de leur politique monétaire. La Réserve Fédérale américaine et la BCE, entre autres, ont remonté rapidement leurs taux directeurs. Avec pour effet une hausse des taux à court et long terme. « L’obligataire est redevenu une opportunité d’investissement, indique Sebastien Biéron, banquier privé à Banque Populaire Méditerranée. En privilégiant les émissions d’obligations les mieux notées, il est possible d’obtenir un rendement supérieur à l’inflation et de le sécuriser plusieurs années ». Même constat sur le marché monétaire. Les particuliers reconsidèrent les Sicav monétaires, comptes à terme et livrets bancaires fiscalisés, qui offrent un couple rendement/risque attractif et une valorisation en temps réel plus visible qu’un fonds en euros. Ces placements représentent une aubaine à court terme, utilisés comme supports d’attente ou comme alternative aux livrets d’épargne réglementée (Livret A, LDDS), lorsque les plafonds de versements sont atteints. Cet environnement monétaire permet aussi de proposer à nouveau des produits structurés offrant des protections partielles du capital à l’échéance.
Privilégier les actions
Cependant, c’est davantage sur le long terme que les effets néfastes de l’inflation se manifestent le plus. Si les banques centrales maintiennent leurs taux directeurs à un niveau élevé pendant encore quelques temps, la dégradation de la situation économique, en particulier en zone euro, ne militera pas pour une nouvelle hausse des taux. La BCE ne prendra pas le risque d’une récession dans le seul but de ramener l’inflation à 2 %. Avec une hausse des prix qui pèse déjà sur la consommation, un ralentissement économique devrait finir par faire baisser les taux. Les produits à revenus fixes – comme les obligations – dont le rendement s’érodera au fil du temps, s’en trouveront pénalisés. En revanche, les actions s’accommodent plutôt bien d’une inflation modérée. « Les ménages et entreprises ne repoussent pas leurs projets d’investissements, ce qui nourrit la croissance », constate Jean-Christophe Brun, qui ajoute : « historiquement, les profits des entreprises sont les plus élevés lorsque l’inflation est autour de 2 à 3 % ».
Les secteurs de l’énergie et du luxe ont la cote
Dans un scénario d’inflation pérenne lié à des tensions sur les matières premières, « les entreprises des secteurs de l’énergie et des matériaux de base bénéficient du contexte et se trouvent en position de force pour augmenter leurs prix de vente », explique Sébastien Biéron. Il s’agit d’investir dans des entreprises de ces secteurs ou des indices pays dans lesquels une grande partie de la cote comprend de tels acteurs (Australie, Canada, Royaume-Uni). « Tout en gardant à l’esprit l’aspect socialement responsable des investissements », rappelle Sébastien Biéron. À ce titre, les sociétés engagées dans la transition énergétique et écologique sont à considérer.
Il peut aussi être judicieux d’investir au capital ou à la dette de sociétés qui ont un pricing power, « c’est-à-dire la capacité de répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs clients finaux en raison d’une position dominante, d’une marque forte, de barrières à l’entrée… », souligne Sébastien Biéron. C’est le cas notamment des secteurs du luxe ou de la technologie. « Il y a dans ce segment d’investissement des valeurs de qualité qui dégagent beaucoup de trésorerie, sont assez peu endettées, versent d’importants dividendes de manière régulière, ce qui valide un business model sain », complète Jean-Christophe Brun. Le thème de la qualité donne de la visibilité et se veut sécurisant pour les investisseurs.
Pour les investisseurs prêts à s’engager sur long terme, les infrastructures (fonds de dette ou d’actions cotées/non cotées) constituent aussi une protection contre l’inflation. « Ces entreprises présentent des actifs de longue durée régis par des contrats à long terme, des revenus indexés sur l’inflation et des flux de trésorerie stables et croissants », indique Jean-Christophe Brun. De plus, elles présentent de forts enjeux de durabilité, notamment pour répondre aux grands défis actuels (transition énergétique, santé, transformation numérique…).
La diversification plus que jamais de mise
Quoi qu’il en soit, la résurgence d’une inflation élevée et durable ne remet pas en question les vertus d’une allocation diversifiée. « Au contraire, elle est même renforcée puisque certaines classes d’actifs comme l’obligataire et le monétaire ont retrouvé de l’intérêt », note Sébastien Bieron. Les particuliers doivent intégrer l’inflation comme outil d’analyse de leur épargne afin d’identifier, avec leur banquier privé et en cohérence avec leurs objectifs et horizon d’investissement, les actifs les mieux à même de la battre sur le long terme.
(1) Eurostat – octobre 2023
(2) Insee – octobre 2023
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