Divorce : quelles conséquences patrimoniales ?
En fonction du régime matrimonial adopté par les époux, les conditions de partage du patrimoine mobilier et immobilier diffèrent lors du divorce.
En France, 106 200 divorces ont été prononcés par les juges aux affaires familiales ou enregistrés chez le notaire en 2021(1). Si ce nombre a baissé de près d’un tiers depuis 2005, le divorce reste une épreuve difficile sur les plans personnel et émotionnel, sans oublier ses conséquences patrimoniales. Divorcer entraîne, en effet, la dissolution du mariage et par conséquent celle du régime matrimonial, c’est-à-dire du régime des biens. « Nombreux sont les couples qui ne se renseignent qu’au moment de leur séparation. Pourtant, c’est au moment du mariage, lorsque les relations entre époux sont (encore) bonnes, qu’il faut prendre ses dispositions afin d’anticiper les problèmes qui pourraient se poser », conseille Jean-Marc Berger, ingénieur patrimonial à la Banque Populaire Rives de Paris.
L’importance du régime matrimonial
Peu de couples y pensent avant de convoler, « mais le choix du régime matrimonial est essentiel, car il détermine les conditions de partage de l’ensemble des biens, notamment, en cas de divorce », observe Jean-Marc Berger. Quels sont les principaux régimes matrimoniaux et leurs spécificités ?
- Dans le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts (régime légal par défaut(1)), le patrimoine comprend les biens propres de chaque conjoint acquis avant le mariage ou reçus par succession ou donation avant ou pendant ledit mariage, ainsi que les biens communs acquis au cours du mariage à titre onéreux et les revenus (loyers, biens meubles et immeubles, salaires, placements financiers, dividendes…). « À la liquidation du régime matrimonial, les acquêts sont partagés à 50/50. D’où l’importance de la traçabilité des biens », souligne l’ingénieur patrimonial. Il arrive souvent qu’en cas de détention de titres de société, un seul des époux a la qualité d’associé alors que les titres sont communs. La dissolution par divorce engendrera partage ou indemnité.
- Dans le régime de la communauté universelle, tous les biens sont communs, quelle que soit leur origine. Au divorce, chacun reçoit la moitié du patrimoine de l’autre. « En présence d’une clause de reprise des apports, dite “clause alsacienne”, le conjoint qui a apporté un bien personnel à la communauté peut le reprendre lorsque le mariage se dissout par divorce », indique Jean-Marc Berger ;
- Dans le régime de la séparation de biens, chacun récupère ses biens personnels à la dissolution du régime matrimonial. Seuls ceux achetés ensemble pendant l’union sont indivis par moitié. La présomption d’indivision égalitaire peut être écartée si l’un des époux prouve qu’il a contribué de manière plus importante au financement du bien.
- Dans le régime de la participation aux acquêts, la séparation de biens prévaut pendant la durée du mariage. Au divorce, chacun des époux participe pour moitié à l’enrichissement de l’autre : c’est la créance de participation. Elle se détermine par comparaison entre le patrimoine final et originaire. Si un enrichissement est constaté, il est partagé par moitié. En revanche, si l’un des patrimoines s’est appauvri, l’époux concerné supporte seul cet appauvrissement. « Il est à noter, observe Jean-Marc Berger, que les avantages matrimoniaux et libéralités, à savoir l’enrichissement d’un conjoint procuré par l’autre, ne sont pas remis en cause s’ils ont pris leur effet pendant le mariage. En revanche, ils sont annulés s’ils ont un effet à terme, comme par exemple, la donation au dernier des vivants ».
Prendre en compte le passif
Si les actifs sont pris en compte pour définir le partage, il ne faut pas oublier les éventuels passifs (dettes, crédits, hypothèques, cautions…), dont le traitement dépend aussi du régime matrimonial. « Les dettes concernant l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants obligent solidairement les conjoints mariés sous le régime de la communauté ou de séparation de biens, rappelle Jean-Marc Berger. Le divorce ne met pas fin à cette responsabilité ; chaque époux est tenu au paiement de l’intégralité de la dette, même s’il ne l’a pas contractée lui-même. Les biens de chacun sont alors engagés et peuvent être saisis ». Qu’en est-il en présence d’un crédit immobilier ayant financé la résidence principale ? « Si vous avez contracté un crédit pour un logement dont vous avez seul(e) la propriété, en ce cas vous rembourserez seul(e) le crédit, répond Jean-Marc Berger. Mais si vous l’avez contracté pour l’acquisition en commun d’un logement, le principe de solidarité entre époux s’applique ». Ce principe vaut aussi en cas de co-souscription d’un crédit immobilier. Dans la situation où les deux co-emprunteurs vendent le bien, le produit de la vente servira en priorité à rembourser le crédit, et l’éventuel reliquat sera partagé entre les époux selon les règles de leur régime matrimonial. Mais si l’un des deux veut le conserver, il versera une soulte à son ex-conjoint qui peut demander une désolidarisation du prêt. « Le rôle du banquier est de l’accompagner dans le financement de cette soulte soit en renonçant à un bien dont il est propriétaire, soit par une compensation monétaire, soit par un crédit, en ligne avec ce qui a été décidé dans la convention du divorce », explique Jean-Marc Berger. Enfin, si les deux co-emprunteurs souhaitent garder le bien, ils restent propriétaires indivis et continuent à rembourser à parts égales. La conservation de l’indivision peut aussi s’avérer pertinente dans le cas d’un investissement locatif de type Pinel : les ex-époux peuvent alors avoir intérêt à garder chacun une part du logement afin de ne pas perdre l’avantage fiscal.
Assurance vie : un bien commun
Si l’assurance vie présente d’indéniables avantages pour les couples, qu’advient-il du(des) contrat(s) en cas de divorce ? Là encore, le régime matrimonial est déterminant. Si vous êtes marié sous le régime de la séparation de biens, votre(vos) contrat(s) vous appartien(nen)t tout comme les fonds qui y ont été versés. Vous le(s) conservez lors du partage et son(leur) montant s’impute en déduction de la quote-part vous revenant lors du divorce. Même chose si vous êtes marié sous le régime de la communauté légale et que vous souscrivez un contrat à votre nom, dont vous êtes aussi l’assuré, et que vous l’alimentez uniquement avec des fonds propres. Veillez simplement lors du(des) versement(s) réalisé(s) à faire mention de l’origine des fonds, afin de consacrer leur caractère de biens propres, évitant une suspicion d’emploi de fonds communs. Rappelons que des capitaux ou biens reçus par succession ou par donation et réemployés dans un contrat d’assurance vie, conservent leur nature de biens propres sans mention contraire. Par exception, vos revenus professionnels, ainsi que les revenus procurés par vos biens propres, ont, en revanche, la qualification juridique de deniers communs. De même, « attention si vous alimentez le contrat avec des fonds communs du couple, prévient Jean-Marc Berger. Même si le contrat est à votre nom et constitue un bien propre au sens juridique, sa valeur économique au moment du divorce sera considérée comme appartenant à la communauté (arrêt Praslicka du 31 mars 1992). Vous pourrez conserver le contrat en cas de divorce, mais devrez indemniser votre conjoint ». Sous le régime de la communauté, un contrat peut aussi être souscrit par deux assurés époux communs en biens et alimenté par des deniers communs. Ce type de souscription peut entraîner des difficultés lors de la dissolution du régime matrimonial pour cause de divorce. « D’une manière générale, il est recommandé de vous rapprocher de vos conseils habituels et de réaliser avec votre conseiller en gestion de patrimoine un audit de l’ensemble des contrats qui prévoient une clause bénéficiaire (assurance vie, contrat de prévoyance individuelle et collectif, prévoyance décès, assurance emprunteur…) », recommande Jean-Marc Berger.
Quant aux produits nominatifs comme le PEA, le PER ou les livrets d’épargne, il n’y a aucune incidence si leurs titulaires sont mariés sous le régime de la séparation de biens. En revanche, si le régime retenu est celui de la communauté légale et que les sommes versées ne sont pas issues de biens ou deniers propres, ils doivent être intégrés à la somme à partager entre les deux conjoints au moment du divorce. Ils pourront être, là aussi, conservés par leur titulaire en moins prenant(2) lors du partage de la communauté dissoute par divorce. À noter qu’en matière d’épargne salariale et en cas de besoin de liquidité de son titulaire, le divorce est un cas de déblocage anticipé sous réserve que l’épargne ait été investie dans un un PEE(3).
Pour qu’un divorce se déroule du mieux possible sur le plan patrimonial, « il est recommandé de choisir son régime matrimonial, puis de réaliser avec ses différents conseils une analyse de détention de propriété pour tous les biens, sous le prisme du régime matrimonial et de l’origine des fonds qui les ont financés », insiste Jean-Marc Berger.
Bon à savoir : Vous avez divorcé en 2024 ? Vous devrez déposer individuellement une déclaration en 2025 avec vos seuls revenus et charges pour l’intégralité de l’année. Vous devrez aussi déclarer votre divorce sur le service « Gérer mon prélèvement à la source » dans les 60 jours qui suivent l’évènement. Cette information est ensuite reprise dans la déclaration en ligne.
(1) Infos Rapides Justice n°19 – 29 novembre 2024.
(2) Si les futurs époux n’ont pas choisi de régime matrimonial, ce régime de communauté réduite aux acquêts s’applique automatiquement. Ce régime matrimonial peut aussi être adopté volontairement par les futurs époux par voie conventionnelle. En ce cas, ce régime fait alors l’objet d’aménageant au moyen de clauses spécifiques ou en y insérant un ou des avantages matrimoniaux tels, notamment, la clause de préciput, ou celle de partage inégal de la communauté…
(3) Un bien est dit « en moins prenant » lorsqu’il est consenti hors part successorale.
(4) Plan d’épargne entreprise.
Vous pourriez aussi être intéressé par
Loi Industrie verte : un nouveau coup de pouce aux actifs non cotés
Déclaration d’impôts 2025 : ce qu’il faut retenir
L’immobilier de santé au cœur des enjeux sociétaux
Dirigeant d’entreprise : quel régime matrimonial adopter ?
Acheter un bien immobilier : en direct ou via une SCI ?
Taux de TVA réduit pour inciter à la rénovation énergétique des logements
Le secteur pharmaceutique peut-il se refaire une santé en 2025 ?