Intérêt de la donation au dernier vivant

Intérêt de la donation au dernier vivant

Donation au dernier vivant : quels avantages pour le conjoint en présence d’enfants du défunt ?​

Une donation au dernier vivant […] est une libéralité obligatoirement notariée prenant effet au décès de son auteur. Le donateur peut la révoquer unilatéralement, à tout moment jusqu’à sa mort.

Philippe Masme – Responsable Marché Clients Gestion Privée Banque Populaire

La donation au dernier vivant, envisageable quel que soit le régime matrimonial des époux, est une libéralité obligatoirement notariée profitant exclusivement à celui des époux qui survivra. Elle prendra effet au décès de son auteur et portera sur les seuls biens présents dans le patrimoine du disposant au jour de son décès. Si ce dernier peut seul la révoquer à tout moment jusqu’à sa mort, l’époux(se) disposant peut souhaiter dans la rédaction de la donation au dernier vivant qu’elle puisse être sans effet en cas de divorce, de séparation de corps, d’instance de divorce ou d’instance en séparation au moment de son décès(1).

Toutefois une attention particulière à la rédaction du(des) cas d’exclusion des effets d’une telle libéralité devra être apportée. En effet, la réforme intervenue en matière de divorce distingue celui par voie judiciaire, de celui par voie de consentement mutuel. Dès lors dans le premier cas, le moment où la procédure est engagée s’entend-il de celui de l’introduction de l’instance d’assignation ou de celui de la requête conjointe ? Dans le second cas, est-ce l’envoi du projet de convention de divorce par consentement mutuel qui caractériserait l’engagement de la procédure de divorce ? De même la séparation de corps, situation juridique et non de fait(2), n’emporte pas nécessairement la volonté des époux de divorcer pour autant. Le Code civil prévoyant même, à défaut de stipulations contraires des époux concernés, qu’en cas de décès de l’un d’eux et alors séparés de corps, l’autre conserve les droits que lui accorde la loi en qualité de conjoint survivant. Peut-être serait-il opportun alors de préciser que la donation au dernier vivant produira ses effets sous réserve, en outre, d’une vie commune sous un même toit ou non.

La finalité d’une telle libéralité est de donner plus de droits au conjoint survivant sur la succession (on parle alors de quotité disponible spéciale) que le droit commun (quotité disponible ordinaire) voire de permettre au conjoint survivant de choisir la quotité dont il souhaite bénéficier dès lors que le disposant n’aura pas dans ce dernier cas, imposer la quotité et la nature des droits réels revenant à son conjoint survivant. La donation au dernier vivant offre en principe le choix entre trois options appelées « quotités disponibles spéciales entre époux » : l’usufruit de la totalité de la succession du défunt ; un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit ; une quotité en pleine propriété définie selon le nombre d’enfants mais plafonnée à partir de trois enfants.

Quelques commentaires relatifs à chacune de ces options

Dans la première option, le conjoint disposera de l’usufruit de toute la succession en présence d’un enfant, qu’il soit commun ou non, là où le quart de la succession en pleine propriété s’impose sur cette donation si le défunt a un enfant non commun.

La deuxième option permet au conjoint survivant d’opter pour un cumul des droits en pleine propriété (un quart) et des droits en usufruit (trois quarts), ce que le droit commun écarte. La dernière option offerte au conjoint survivant est la quotité disponible ordinaire en pleine propriété fonction du nombre d’enfants du défunt. Lorsqu’il y a moins de trois enfants, cette quotité rendue possible par la donation au dernier vivant s’avère supérieure à celle prévue par la loi (fixée à un quart, quel que soit le nombre d’enfants).

Le conjoint ayant choisi cette option récupère la moitié de la succession s’il n’y a qu’un enfant, et un tiers s’il y a deux enfants. À partir de trois enfants, le conjoint dispose, sans plus d’avantage, du quart de la succession.

Par ailleurs, la faculté pour le conjoint survivant de restreindre ses droits à certains biens seulement de la quotité lui revenant en retenue est également rendue possible : on parle alors de cantonnement. Il est recommandé de n’y recourir, en l’état actuel de la fiscalité, que lorsqu’un enfant non commun est héritier et que l’on souhaite favoriser ; la quote-part de biens à laquelle le conjoint renonce venant augmenter la part de cet enfant. Ce cantonnement ne constituant pas une libéralité, aucun droit de mutation à titre gratuit n’est alors dû entre l’enfant et le conjoint survivant.

Rappelons que le conjoint survivant pourra soit accepter purement et simplement la succession, soit l’accepter à concurrence de l’actif net, soit renoncer à la succession et donc à cette donation au dernier vivant.

Lors du décès du disposant, la donation au dernier vivant si elle devait être réductible le serait proportionnellement avec tout legs réalisé par ailleurs par le défunt et accepté par le(s) gratifié(s). A défaut de legs, elle pourrait être prioritairement réductible face aux autres libéralités entre vifs octroyées chronologiquement avant par le défunt. Tel est le cas quand le donateur fait des donations hors part sur toute la quotité disponible à ses enfants ou à son conjoint (car celui-ci ne peut être gratifié que dans la limite de la quotité disponible spéciale).

Rappelons enfin que depuis la loi TEPA(3), la donation au dernier vivant n’est plus soumise aux droits de succession, du fait de l’exonération totale du conjoint survivant de tels droits.

(1) Arrêt de la Cour de Cassation, 1ère chambre civile en date du 13 décembre 2005, n° 02-14135
(2) Article 296 et s. du Code civil
(3) Loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat du 21 août 2007