Régimes européens de conjugalité

Unification du cadre juridique pour les régimes de conjugalité au niveau européen.

Depuis le 29 janvier 2019, les couples de nationalités différentes, ou ceux de même nationalité amenés à vivre dans un pays différent de celui de leur nationalité, ou encore les couples de ressortissants de deux États différents, peuvent être soumis à de nouvelles règles. Ces dispositions visent à assurer plus de sécurité juridique aux relations conjugales.

Deux règlements européens unifient les règles régissant tant les régimes matrimoniaux(1) que les partenariats(2) – tels les Pacs – adoptés, enregistrés ou modifiés depuis le 29 janvier 2019.
Ces deux règlements ont vocation à s’appliquer dans 18 des 28 États de l’Union Européenne(3).

Dès lors, ils s’appliqueront chaque fois qu’une autorité d’un État lié à l’un ou l’autre des règlements sera concernée. Tel sera le cas d’un couple franco-hongrois résidant en Autriche ou d’un couple franco-anglais résidant en Belgique. En revanche, un couple franco-néerlandais résidant au Royaume-Uni verra son régime matrimonial analysé selon les règles de droit international privé anglais si le juge ou le notaire anglais est saisi.

S’agissant du nouveau règlement européen en matière de mariage, celui-ci a vocation, sous les conditions précitées, à se substituer au cadre antérieur de la convention de La Haye(4).

Un cadre plus limitatif

La loi applicable au régime matrimonial des époux ou futurs époux peut, comme par le passé, résulter soit d’une désignation volontaire de loi, soit, en son absence, de dispositions légales. Il en est de même pour les partenaires ou futurs partenaires. En revanche, la loi applicable est dorénavant plus limitativement encadrée.

Ainsi, en cas de désignation volontaire de loi, celle-ci ne peut être que celle de l’État dans lequel au moins l’un des époux ou futurs époux ou l’un des deux partenaires ou futurs partenaires a sa résidence habituelle au moment où le contrat de mariage ou de partenariat est conclu ; ou bien celle d’un État dont l’un des protagonistes a la nationalité au moment, là encore, où le contrat de mariage ou de partenariat est conclu ; ou bien encore celle de l’État selon le droit duquel le partenariat enregistré a été créé.
Naturellement, la loi choisie peut être celle d’un État membre de l’Union Européenne ou celle d’un État tiers.

En cas d’absence de désignation volontaire, la loi applicable résulte de rattachements hiérarchisés qui diffèrent selon que les protagonistes sont mariés ou partenaires. Dans le premier cas, la loi applicable est celle de l’État de la première résidence habituelle commune des époux après le mariage ; ou, à défaut, la loi de la nationalité commune des époux ; ou encore, à défaut, la loi de l’État avec lequel les époux ont ensemble les liens les plus étroits au moment de la célébration du mariage compte tenu de toutes les circonstances. Si les époux ont plus d’une nationalité commune, seuls les premiers et derniers critères de rattachement s’appliquent, et ce, toujours de façon hiérarchisée. Dans le second cas, celui de partenaires, la loi applicable est celle de l’État dans lequel le partenariat enregistré a été créé.

Les changements de régimes matrimoniaux prochainement taxés

La loi de finances pour 2019 a mis un terme à l’exonération de taxe dont bénéficiaient les changements de régimes matrimoniaux depuis 2004.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2020, les couples qui envisagent de passer d’un régime de séparation de biens vers une communauté, ainsi que les personnes qui souhaitent apporter un bien propre (reçu par donation ou succession), devront s’acquitter d’un droit fixe de 125 euros, auquel pourra s’ajouter une taxe de publicité foncière lorsque l’opération donne lieu au transfert d’un droit de propriété sur un bien immobilier(7), ainsi que la contribution de sécurité immobilière(8).

Des règles objectives

Dès lors, par exemple, un couple franco-belge vivant en Allemagne pourra choisir, au moment de son mariage ou de la mise en place d’un Pacs, entre la loi de sa résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention (la loi allemande) ou celle de la nationalité de l’un d’eux (la loi française ou la loi belge) ou, s’agissant d’un partenariat enregistré, la loi de l’État selon le droit duquel ledit partenariat a été créé (la loi française pour un Pacs, ce dernier n’existant pas en Belgique où seule la cohabitation légale est alors possible). En l’absence de choix, des critères objectifs de rattachement s’appliquent.

Ainsi, le régime matrimonial d’un couple qui se marie sans contrat de mariage dépendra de la loi du pays dans lequel il aura fixé sa première résidence habituelle commune après le mariage (la loi allemande si cette première résidence commune est effectivement en Allemagne, sinon la loi de l’État de cette première résidence). Si le couple n’a pas de résidence habituelle commune, c’est la loi du pays dont les protagonistes ont tous deux la nationalité ou, à défaut, celle du pays avec lequel ils entretiennent les liens les plus étroits qui s’appliquera.

En revanche, la faculté de choisir, au jour du mariage, la loi de la future résidence habituelle a disparu ; il en va de même pour les époux qui auraient souhaité soumettre leur régime matrimonial à la loi du lieu de situation des immeubles.

Plus de sécurité juridique

Surtout, les nouveaux textes mettent fin au principe de mutabilité automatique de la loi applicable aux régimes matrimoniaux qui prévoyait, dans le régime antérieur, un changement de loi applicable au régime matrimonial, soit immédiat s’il y avait concordance de la nationalité commune des époux et de l’État dans lequel ils établissaient leur nouvelle résidence habituelle, soit, en l’absence d’une telle concordance, différé si le couple partait vivre plus de dix ans dans un pays étranger dont il n’avait pas la nationalité.

Si la mutabilité automatique disparaît, une faculté de changement de loi applicable tant pour les contrats de mariage que pour les partenariats enregistrés entrant dans le champ des deux nouveaux règlements européens est possible par voie judiciaire, sur demande unilatérale de l’un des partenaires ou époux. Toutefois, ce changement ne pourra se réaliser qu’au profit de la loi de la dernière résidence habituelle commune des époux, sous réserve de ne pas porter préjudice aux droits des tiers. Si tel devait être le cas, un dispositif spécifique trouvera à s’appliquer.

En outre, une modification de la loi applicable au régime matrimonial effectuée en cours d’union à la demande des époux eux-mêmes n’induira dorénavant aucun effet rétroactif, sauf disposition conventionnelle contraire expresse de leur part. Dans ce cas toutefois, l’effet rétroactif ne saurait porter, là non plus, préjudice aux droits des tiers.
Le nouveau régime pose enfin un principe d’unicité de la loi retenue qui s’applique à l’ensemble des biens détenus par le couple, quel que soit le lieu dans lequel ces biens se trouvent. Ces dispositions ont donc pour effet d’assurer plus de sécurité juridique aux couples, notamment en unifiant les règles régissant les éventuels conflits au niveau européen.

Il est à noter que ces deux nouveaux règlements européens pourront être combinés avec le règlement « Rome III »(5) régissant les règles applicables pour la loi du divorce ou de la séparation de corps, ou avec celui dit « règlement successions »(6) gouvernant les successions ouvertes depuis le 17 août 2015.

(1) Règlement UE n° 2016/1103 du 24 juin 2016 relatif à la loi applicable, à la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux. Dix États de l’Union européenne n’ont pas adhéré au règlement.
(2) Règlement UE n° 2016/1104 du 24 juin 2016 relatif à la loi applicable, à la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés en vigueur, là aussi dans 18 des 28 États de l’UE.
(3) Les pays non parties à ces deux règlements sont le Royaume-Uni, l’Irlande, le Danemark, la Hongrie, la Lettonie, la Roumanie, la Pologne, l’Estonie, la Lituanie et la Slovaquie.
(4) La convention de La Haye du 14 mars 1978, à laquelle seuls la France, le Luxembourg et les Pays-Bas ont adhéré, concerne les mariages intervenus entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019.
(5) Règlement UE n° 1259/2010 du 20 décembre 2010.
(6) Règlement UE n° 650/2012 du 4 juillet 2012.
(7) 0,715 % de la valeur du bien transféré.
(8) 0,10 % de la valeur du bien transféré.