Pacte Dutreil et entreprises individuelles
Bon nombre d’entreprises individuelles disposent de liquidités significatives. Lorsque ces dernières excèdent les charges courantes d’exploitation, elles sortent du champ d’exonération d’un pacte Dutreil.
Bon nombre d’entreprises individuelles disposent de liquidités significatives. Lorsque ces dernières excèdent les charges courantes d’exploitation, elles sortent du champ d’exonération d’un pacte Dutreil. Explications.
Instauré en 2003, le pacte Dutreil vise à alléger le coût fiscal de la transmission d’une entreprise familiale.
Son principe : permettre au propriétaire d’une société de la transmettre à titre gratuit à ses descendants en bénéficiant d’une assiette des droits de mutation à titre gratuit réduite de 75 %.
Pacte Dutreil, un outil de transmission des entreprises familiales
Le dispositif permet également de bénéficier d’une décote supplémentaire de 50 % si le donateur est âgé de moins de 70 ans et qu’il cède les titres en pleine propriété. En contrepartie de ces avantages, les signataires d’un pacte Dutreil doivent respecter certaines règles. Ils sont notamment tenus de souscrire à un « engagement collectif de conservation » (ECC) de tout ou partie des droits sociaux qu’ils détiennent depuis au moins deux ans. Lors de la transmission, chaque bénéficiaire doit par ailleurs s’engager à titre individuel à conserver les titres reçus durant quatre ans.
Des conditions spécifiques pour les entreprises individuelles
Le pacte Dutreil peut également bénéficier aux entreprises exploitées sous la forme individuelle. Des conditions spécifiques s’appliquent alors(1). L’entreprise individuelle doit avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Elle doit avoir été détenue par le défunt ou le donateur depuis au moins deux ans lorsqu’elle a été acquise à titre onéreux(2). Au moment de la transmission, chacun des bénéficiaires doit prendre, dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, l’engagement individuel de conserver, pendant 4 ans, les biens affectés à l’exploitation de l’entreprise. Et l’un des bénéficiaires doit effectivement poursuivre l’exploitation de l’entreprise pendant 3 ans à compter de la transmission.
Cette poursuite de l’exploitation peut d’ailleurs se faire sous une autre forme juridique, sous réserve de respecter un certain nombre de conditions(3).
Des biens nécessaires à l’exercice de la profession
Mais la doctrine administrative pose également une autre condition : « les biens affectés à l’exploitation sont les biens nécessaires à l’exercice de la profession. Ce critère est donc indépendant de la présence du bien à l’actif du bilan de l’entreprise.
Ainsi, les biens non affectés à l’exploitation, tels que des immeubles à usage d’habitation ou des valeurs mobilières (titres de placement), sont exclus du bénéfice de l’exonération partielle, même s’ils figurent à l’actif du bilan de l’exploitation individuelle »(4). Un concept que vient de rappeler un arrêt de la Cour d’appel de Pau(5).
Le motif du redressement de l’administration fiscale
En l’espèce, un exploitant agricole est décédé en laissant pour légataires universels sa nièce et son neveu. Ces derniers ont demandé à bénéficier d’une exonération des droits de succession à concurrence de trois-quarts de la valeur transmise(6). Conformément aux exigences de la loi, ils prennent l’engagement de conserver l’ensemble des biens affectés à l’exploitation pendant quatre ans et le neveu s’engage à poursuivre l’activité pendant trois ans.
Mais l’administration les redresse au motif que « certains actifs inscrits au bilan de l’exploitation ne sont pas nécessaires à l’activité et ne peuvent pas bénéficier de l’exonération partielle ». Il s’agit de trois immeubles d’habitation, de valeurs mobilières de placement, et de liquidités.
Liquidités excédant les charges d’exploitation non exonérées
Les héritiers contestent cette décision. Ces derniers ayant prouvé le caractère professionnel des locaux d’habitation, l’administration abandonne la rectification relative aux immeubles, mais la maintient pour les autres actifs. Les héritiers saisissent alors la juridiction administrative, en soutenant que la totalité de l’actif circulant était nécessaire au renouvellement du matériel et que la trésorerie permettait de palier à l’irrégularité des ventes de l’exploitation.
Leurs demandes sont déboutées à deux reprises par le Tribunal de Grande Instance. La Cour d’appel confirme le jugement de 1ère instance. Elle considère que le niveau des liquidités inscrites à l’actif de l’entreprise dépasse les besoins normaux de la trésorerie de l’entreprise, évaluées au regard de ses charges courantes d’exploitation. Et donc, l’excédent constaté ne peut pas bénéficier de l’exonération Dutreil.
(1)Article 787 C du CGI.
(2)Si l’entreprise a été créée ou acquise à titre gratuit, aucune condition de durée de détention n’est exigée.
(3)Les biens transmis doivent être apportés à une société créée à cette occasion et détenue en totalité par les bénéficiaires; les titres reçus en contrepartie de l’apport doivent être conservées par les bénéficiaires jusqu’au terme de la période de 4 ans initialement prévue pour la conservation des biens; les biens objets de l’apport doivent être conservés par la société (un remplacement ou une cession isolée d’un élément d’actif est tolérée); et l’un des bénéficiaires doit poursuivre l’exploitation de la nouvelle société.
(4)BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40-20140519.
(5)Arrêt de la Cour d’appel de Pau du 19 novembre 2019, n° 16/03456.
(6)En application de l’article 787 C du CGI applicable en matière de transmission d’entreprise individuelle.