L’assurance vie cosouscrite par des époux communs

L’assurance vie cosouscrite par des époux communs en biens avec dénouement au second décès est un actif de la communauté.

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L’adhésion conjointe

L’adhésion conjointe est un schéma apprécié de nombreux assurés qui y voient une source de simplicité. Les effets de ce mode d’adhésion seront différents selon qu’il est prévu un dénouement du contrat au premier ou au second décès.

Lorsque le contrat se dénoue au premier décès et que le conjoint survivant est désigné bénéficiaire, le bénéfice est réputé être un bien propre du conjoint survivant et aucune récompense n’est due à la communauté à raison des primes payées par le couple (sauf exagération(1)). Cette exception ne vise que le conjoint.

Si un tiers est bénéficiaire, une récompense est due à la communauté(2).
En revanche, lorsqu’il est prévu que le contrat se dénoue au second décès, le contrat se poursuit au premier décès avec le contractant survivant comme seul adhérent-assuré.

Les assureurs sont réservés devant les co-adhésions, qui présentent une réelle rigidité contractuelle. En cas de désaccord entre les co-adhérents, notamment en cas de divorce, le contrat est paralysé et seul son rachat total permet de sortir de l’impasse, pour autant que les intéressés y consentent tous les deux. En outre, dans un contexte d’allongement de l’espérance de vie, il n’est pas indifférent de considérer les difficultés d’administrer un contrat « sur deux têtes », lorsque l’un des adhérents est placé sous un régime de protection.

La Cour de cassation s’est récemment prononcée au sujet de la succession de deux époux mariés sous un régime communautaire, qui avaient adhéré conjointement à un contrat d’assurance vie avec dénouement au second décès(3). L’épouse est décédée en 2005 et l’époux en 2013. Des difficultés s’élevèrent lors du règlement de la succession du second décès. Certains héritiers considéraient que le contrat, non dénoué au décès de l’épouse, aurait dû intégrer l’actif de la communauté, alors que d’autres estimaient qu’il ne devait pas être tenu compte de ce contrat dans les opérations de liquidation et de partage.

La Cour de cassation a confirmé que l’assurance vie cosouscrite par des époux communs en biens avec dénouement au second décès est un actif de la communauté, et que la moitié de celle-ci devait être réintégrée à l’actif de la succession de l’épouse prédécédée, confortant une analyse arrêtée dès 1992 avec l’arrêt Praslicka(4), qu’elle applique pour la première fois à une co-adhésion.
Toutefois, cette intégration de la valeur de rachat à la communauté doit être écartée en matière fiscale(5). Aucun droit n’est dû par les héritiers au titre du contrat non dénoué lors de la première succession.

L'avis de notre expert

Marc THOMAS-MAROTEL

Responsable de l’Ingénierie Patrimoniale – BPCE VIE

Cette solution est de nature à soulever des difficultés pour les héritiers. En effet, ceux-ci pourraient se trouver dans l’impossibilité de concrétiser leurs droits dans la succession : soit qu’ils ne seront pas les bénéficiaires du contrat d’assurance vie lors de son dénouement, soit que l’adhérent survivant en aura dissipé la valeur.
Par conséquent, seul le partage permet de consolider les droits des héritiers sur la première succession, ainsi que le gain fiscal issu de la réponse Ciot.

Le coût du partage (2,5 %* de la valeur de l’actif net partagé, auxquels s’ajoutent les émoluments de l’acte notarié) sera compensé par l’économie d’impôt résultant de la non-prise en compte du contrat non dénoué dans l’assiette fiscale de la première succession.

Le partage permettra aussi au conjoint survivant de conserver son contrat, qui ne peut revenir qu’à l’adhérent, seul titulaire du droit de rachat(6). Cette attribution, conforme à la nature du contrat d’assurance vie, ne laisse certes aucun choix au conjoint, mais écarte les effets d’une indivision successorale et/ou d’un démembrement de propriété selon l’option successorale retenue par le survivant.

L’aménagement du régime matrimonial des époux, notamment par l’adoption d’une clause de préciput, qui autorise l’attribution préférentielle au conjoint survivant par prélèvement sans contrepartie, présente un intérêt dans les cas où il serait utile de renforcer la protection du conjoint survivant.


(*) Ce taux est ramené à 1,80 % à compter du 1er janvier 2021 et à 1,10 % à compter du 1er janvier 2022 (art 746 CGI modifié par LOI n° 2019-1479 du 28 décembre 2019, Art 108).

L’article 1094-1 du Code civil, une alternative intéressante

Une alternative intéressante peut consister à recourir au cantonnement de l’article 1094-1 du Code civil, qui dispose que : « Sauf stipulation contraire du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles. »
Ainsi, le conjoint survivant bénéficiaire d’une donation au dernier vivant peut cantonner son émolument sur la moitié des contrats d’assurance vie non dénoués, sans la contrainte de l’accord des enfants. Il détiendrait alors l’intégralité du contrat sans procéder à un partage. Inversement, le conjoint pourrait décider de ne pas inclure le contrat dans son émolument et retenir d’autres actifs, de sorte que les héritiers profiteraient des effets de la réponse Ciot.

Enfin, en cas d’usufruit, parmi les solutions pour attribuer le contrat d’assurance vie non dénoué au seul conjoint survivant, certains praticiens préconisent de conclure une convention de quasi-usufruit, qui présente aussi l’intérêt de créer une créance de restitution au profit des héritiers qui pourront la déduire de la seconde succession.

L’ensemble des solutions évoquées, sous réserve d’une fiscalité pérenne, montre la complexité de l’analyse du contrat d’assurance vie non dénoué comme un acquêt de communauté, mais offre un grand intérêt patrimonial aux souscripteurs bien conseillés.

Marc THOMAS-MAROTEL
Responsable de l’ingénierie patrimoniale, Natixis Assurances
Chargé d’enseignement Paris II Panthéon-Assas et Paris-Dauphine


(1) C. ass., art. L 132-13 ; Cass. 1re civ., 25 mai 2016, n° 15-14737
(2) Cass. 1re civ., 10 juill. 1996, n° 94-18733
(3) Cass. 1re civ., 26 juin 2019, n° 18-21383, F-PB
(4) Cass. 1re civ., 31 mars 1992, n° 90-16343, Bull. civ. I, n° 95
(5) Rép. min. Ciot, QE n° 78192, JOAN Q. 23 févr. 2016, p. 1648 ; BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20-20160531, n° 380
(6) C. ass., art. L. 132-12