L’engagement actionnarial accélère les pratiques de développement durable des entreprises 

À la faveur de l’essor de l’investissement responsable, l’engagement actionnarial prend de l’ampleur et contribue à faire évoluer les mentalités. Pour Louise Schreiber, responsable de la recherche des actifs cotés chez Mirova, il permet d’accélérer la transition des entreprises sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance.

En quoi consiste l’engagement actionnarial ?

Louise Schreiber – Il désigne les initiatives prises par les actionnaires pour encourager les entreprises à améliorer leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Bien que le dialogue actionnarial existe depuis longtemps, l’engagement a pris de l’ampleur ces vingt dernières années avec l’expansion de l’investissement responsable. Dans la majorité des cas, il cherche à accélérer la transition des entreprises par le biais d’un dialogue constructif et d’une collaboration active à long terme.

– Existe-t-il plusieurs formes d’engagement actionnarial ?

L. S. – Il y a en effet plusieurs manières de s’engager pour améliorer la responsabilité des entreprises. De notre point de vue, une stratégie d’engagement impactante se positionne nécessairement à tous les niveaux de la chaîne de valeur. Au niveau de l’entreprise, le dialogue individuel permet de partager directement les mesures à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de long terme sur leurs enjeux clés. Les résultats de ces échanges doivent ensuite se refléter dans les décisions de vote émises lors des assemblées générales (AG). Dans certains cas, l’engagement collaboratif, en fédérant les actionnaires, peut permettre de porter le message plus fortement, notamment via des résolutions en AG. Ainsi, Mirova maintient un dialogue direct et fructueux avec Engie depuis de nombreuses années, mais a également souhaité rejoindre en 2022 l’action collaborative afin de promouvoir l’émergence des Say on Climate(1) annuels au sein des secteurs à fort enjeu pour le climat.

Au niveau sectoriel, les actionnaires doivent également s’engager dans des initiatives regroupant plusieurs acteurs d’une industrie, afin de les aider à structurer leur filière en mutualisant leurs efforts autour de référentiels et d’outils communs. C’est un ressort particulièrement important pour la transition des secteurs confrontés à des problématiques intrinsèques qu’une entreprise seule ne peut résoudre, comme les achats de minerais responsables. Pour exemple, Mirova s’engage au sein de l’IRMA (Initiative for Responsible Mining Assurance) afin de contribuer à l’amélioration de la traçabilité des ressources nécessaires à la lutte contre le changement climatique, dans l’optique de s’inscrire dans une transition juste.

Enfin, au niveau systémique, les actionnaires responsables doivent s’engager auprès des organismes et régulateurs nationaux et internationaux. Cette démarche favorise l’émergence de référentiels communs garantissant la bonne compréhension et la prise en compte effective des sujets ESG par les acteurs clés de la transition environnementale et sociale. Ainsi, Mirova participe aux travaux de la Finance for Biodiversity Foundation(2) et de la Taskforce on Nature-related Financial Disclosure(3)(TNFD), deux initiatives internationalement reconnues pour leurs référentiels sur l’intégration des enjeux de biodiversité au sein des stratégies et des rapports des entreprises.

– Quels sont les axes de votre politique de vote ?

L.S. – Le fondement de notre politique de vote repose sur deux notions clés. D’une part, favoriser, au sein des entreprises, l’émergence d’une gouvernance partenariale de manière à intégrer les intérêts de l’ensemble des parties prenantes (salariés, actionnaires, dirigeants et parties publiques). C’est pourquoi nous recherchons des conseils d’administration et des modèles de partage de la valeur équilibrés et justes, notamment vis-à-vis des salariés et des diversités. D’autre part, placer les sujets de développement durable au centre de la gouvernance de l’entreprise. Il s’agit principalement de garantir la bonne intégration des enjeux clés de durabilité dans les travaux du conseil d’administration et dans la rémunération des dirigeants d’entreprise. Ces pratiques se sont développées sur cette dernière décennie, mais méritent encore des améliorations et ne prévalent pas encore forcément en dehors de l’Union européenne. Nous sommes convaincus que la prise en compte de l’ensemble des parties prenantes et des enjeux de durabilité par les entreprises sera source de création de valeur et de pérennité.

– Comment les investisseurs particuliers peuvent-ils exprimer leur engagement ? 

L. S. – Les investisseurs particuliers qui détiennent directement leurs actions peuvent exercer leur droit de vote eux-mêmes lors des AG. Pour aller plus loin, c’est l’effet de masse qui permet aux investisseurs minoritaires d’avoir un levier fort. C’est donc surtout par l’allocation de leur épargne vers des fonds dotés d’une démarche ESG crédible et d’une stratégie d’engagement forte que les investisseurs particuliers peuvent agir en faveur de la transition vers une économie plus durable. Pour identifier de tels produits, ils peuvent se référer aux OPCVM labellisés (ISR(4), Febelfin/ Towards Sustainability(5), Greenfin(6), etc.) et aux classifications règlementaires telles que SFDR(7). En complément, ils peuvent consulter les sites Internet des sociétés de gestion, qui doivent faire preuve de transparence concernant leur méthodologie ESG, leurs politiques et leurs rapports d’impact, de vote et d’engagement. Chaque investisseur doit ainsi pouvoir faire ses choix en connaissance de cause.

Est-ce que l’engagement actionnarial fait évoluer les mentalités ?

L. S. – Oui, même si ses résultats ne sont visibles que sur un temps long. Lorsque nous avons commencé il y a une quinzaine d’année, les entreprises ne publiaient pas ou très peu leurs enjeux de durabilité. Il est presque incroyable de constater le niveau de sophistication des rapport RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) désormais. Alors que les régulateurs à travers le monde se saisissent de ces enjeux, les entreprises font preuve d’un niveau de maturité grandissant et les actionnaires sont toujours plus nombreux à exercer leur droit de vote, à déposer des résolutions et à s’impliquer dans des actions collaboratives. Tout cela nous confirme que l’engagement actionnarial participe effectivement à générer une prise de conscience à tous les niveaux, y compris au sein même de notre secteur d’activité. Bien que le contexte soit parfois moins propice temporairement à ces sujets, comme actuellement aux États-Unis, cela ne remet pas en cause l’importance des enjeux de durabilité pour les entreprises et donc le rôle de l’engagement actionnarial. Ailleurs, nous constatons une appétence croissante pour l’investissement dans les entreprises en transition, en Asie, bien sûr, mais aussi en Europe, où l’investissement dans les entreprises à impact positif (c’est-à-dire qui ont déjà transformé leurs pratiques ou se sont positionnées sur des solutions favorables au développement durable) est plus mature. Dans cette optique, le vote et le dialogue avec les entreprises ont plus que jamais leur rôle à jouer pour accompagner la transition effective des sociétés cibles. En ce sens, nous appelons les régulateurs à faciliter les activités d’engagement actionnarial, notamment en France où le dépôt de résolution par les actionnaires reste largement limité du fait de la part de capital requise et du périmètre restreint des sujets qui peuvent être abordés.

(1) Résolution soumise par l’entreprise lors de l’assemblée générale, permettant aux actionnaires de s’exprimer sur la stratégie climat mise en œuvre et les performances délivrées.
(2) L’objectif de la Fondation est d’encourager la collaboration entre les institutions financières par le biais de groupes de travail, en tant qu’organisme de liaison pour les signataires contributeurs et les organisations partenaires.
(3) La TNFD, ou « Taskforce on Nature-related Financial Disclosures » (Groupe de travail sur les divulgations financières liées à la nature), est une initiative visant à développer un cadre de divulgation pour aider les entreprises et les institutions financières à évaluer, gérer et communiquer les risques et les opportunités liés à la nature et à la biodiversité.
(4) Pour plus d’informations sur le label, veuillez-vous référer au lien suivant :  https://www.lelabelisr.fr/
(5) Pour plus d’informations sur le label, veuillez-vous référer au lien suivant : https://towardssustainability.be/fr
(6) Pour plus d’informations sur le label, veuillez-vous référer au lien suivant : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/publications/Label%20Greenfin_plaquette%20pr%C3%A9sentation.pdf
(7) SFDR : Sustainable Finance Disclosure Regulation : règlement européen qui vise à vise à promouvoir la durabilité dans le secteur de la Finance.

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