assemblée nationale drapeaux france europe

Que retenir des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2022 ?

Sans grande réforme fiscale, la loi de finances pour 2022(1) apporte toutefois son lot de prorogations, d’ajustements, de corrections et de modifications, dont la traduction du volet fiscal du plan « Indépendants ». De même, la loi de financement de la sécurité sociale(2) actualise notamment le statut du conjoint collaborateur du chef d’entreprise.

IMPÔT SUR LE REVENU

Barème de l’impôt sur le revenu : des tranches actualisées

Pour tenir compte de l’inflation en 2021, les tranches du barème progressif de l’impôt sur le revenu sont revalorisées de 1,4 % (art. 2, LF 2022). Ainsi, pour les revenus perçus en 2021, le barème est le suivant :

  • 0 % pour la fraction de revenus n’excédant pas 10 225 euros,
  • 11 % pour la fraction supérieure à 10 225 euros et inférieure ou égale à 26 070 euros,
  • 30 % pour la fraction supérieure à 26 070 euros et inférieure ou égale à 74 545 euros,
  • 41 % pour la fraction supérieure à 74 545 euros et inférieure ou égale à 160 336 euros,
  • 45 % pour la fraction supérieure à 160 336 euros.

Revenu exceptionnel ou différé et dépenses prévisibles

Les contribuables peuvent percevoir des revenus exceptionnels, tels que des primes, des indemnités, ou des revenus différés comme des arriérés de loyers. Pour atténuer la progressivité du barème de l’impôt sur ces revenus exceptionnels ou différés, ces derniers sont taxés par application du mécanisme dit « du quotient ». Or, en présence de dépenses prévisibles, ce mécanisme peut s’avérer profitable aux contribuables. Pour prévenir toute démarche d’optimisation, la loi prévoit l’ordre de prise en compte des déficits. Désormais, le déficit catégoriel global ou le revenu net global négatif s’impute sur le montant du revenu exceptionnel ou différé avant application du système du quotient (article 6).

Ex-époux et ex-pacsés : la solidarité fiscale mieux encadrée

Les conjoints et partenaires de Pacs sont responsables solidairement des dettes fiscales communes, y compris après le divorce et en cas de rupture de la vie commune. Toutefois, lorsque la rupture est officiellement constatée (jugement de divorce ou de séparation de corps, dissolution du Pacs, abandon du domicile conjugal…), il est possible pour un époux ou un pacsé de solliciter une décharge de son obligation de paiement auprès de l’administration. Celle-ci n’est accordée qu’en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. La situation financière permet d’évaluer sa capacité de remboursement. En pratique, l’administration fiscale l’apprécie sur une durée de cinq ans. La loi de finances pour 2022 l’a réduite à trois ans (article 139).

RÉDUCTIONS ET CRÉDITS D’IMPÔT

Le dispositif « Louer abordable » devient « Loc’Avantages »(3)

À compter du 1er mars 2022, le dispositif « Louer abordable », renommé « Loc’Avantages », devient une réduction d’impôt et est prorogé sous cette forme jusqu’au 31 décembre 2024. L’ancien dispositif reste toutefois en vigueur pour les demandes de conventions déposées avant le 28 février 2022. Pour bénéficier de la réduction d’impôt, le logement devra être donné en location dans le cadre d’une convention signée avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah), en respectant des plafonds de loyer et de ressources du locataire ; ces éléments seront appréciés à la date de conclusion du bail et ne devront pas excéder des plafonds fixés par décret (à paraître) en fonction de la localisation du logement et de son affectation à la location intermédiaire, sociale ou très sociale ; la fixation des plafonds de loyer devrait en toute logique être effectuée sur la base d’une cartographie réalisée à l’échelle communale. Par ailleurs, les taux de réduction d’impôt sur les loyers perçus seront uniformes au niveau national. Enfin, la loi unifie la durée des conventions avec l’Anah à six ans avec ou sans travaux (article 67). Concrètement, la plateforme de dépôt de l’Anah ouvrira le 1er avril 2022, mais tout bail prenant effet à partir du 1er janvier 2022 peut être éligible au dispositif. La demande de convention devra être déposée sur la plateforme : avant le 1er mai 2022 pour les baux signés avant le 1er mars 2022 ; dans un délai de deux mois pour les baux signés après le 1er mars 2022.

Toujours en matière d’investissement immobilier locatif, les dispositifs Censi-Bouvard (article 74) et Denormandie (article 75) sont prorogés dans les mêmes conditions, respectivement jusqu’au 31 décembre 2022 et 31 décembre 2023. Quant au dispositif expérimental « Pinel breton », il est prolongé jusqu’au 31 décembre 2024 (article 93).

Crédit d’impôt pour emploi à domicile

Le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile a été sécurisé sur la question du lieu de réalisation de certains services (au domicile du contribuable ou à l’extérieur de celui-ci), comme l’accompagnement des personnes âgées ou des enfants dans leur déplacement en dehors du domicile. Ces prestations entrent bien dans le champ du crédit d’impôt dès lors qu’elles sont comprises dans une offre globale de services incluant un ensemble d’activités effectuées à domicile. Par ailleurs, le crédit d’impôt a été ouvert aux services de téléassistance et visio-assistance qui permettent de détecter un accident à domicile, et ce, même s’ils ne sont pas compris dans un ensemble de services incluant des activités effectuées à cette même résidence. Seuls sont éligibles les services souscrits au profit de personnes âgées, handicapées ou ayant besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité ; ils sont alors considérés comme fournis au domicile. Enfin, la loi de finances pour 2022 confirme l’application de limite spécifique à certaines dépenses, lesquelles entrent pour leur total dans le plafond annuel de 12 000 euros. Ainsi, les dépenses de travaux de petit bricolage sont prises en compte dans la limite de 500 euros par an, l’assistance informatique et internet à domicile à hauteur de 3 000 euros et les petits travaux de jardinage des particuliers pour 5 000 euros (article 3).

Dons aux personnes en difficulté

Le dispositif « Coluche » (article 76), qui permet de bénéficier d’une réduction d’impôt de 75 % pour un don dans la limite d’un plafond de 1 000 euros au profit d’associations œuvrant pour personnes en difficulté, a été prolongé jusqu’à fin 2023. Les fonds versés au profit d’organismes de lutte contre les violences domestiques bénéficient des mêmes conditions mais uniquement jusqu’au 31 décembre 2022. Précision : l’enveloppe de 1 000 euros est commune aux deux dispositifs.

Investissements dans les PME

Les investissements au capital des PME, en direct par souscription au capital ou par l’intermédiaire de fonds, ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu, dite IR-PME ou encore réduction Madelin. En principe, celle-ci s’élève à 18 % du montant des versements, pris dans la limite de 50 000 euros pour une personne seule et 100 000 euros pour un couple soumis à imposition commune. Son taux a été majoré à 25 % pendant deux périodes successives : du 10 août au 31 décembre 2020, puis du 9 mai au 31 décembre 2021. Parce que le renouvellement annuel de cette réduction d’impôt doit être autorisé par la Commission européenne, le gouvernement a adopté le principe de son application aux investissements réalisés en 2022 en inscrivant cette mesure dans la première loi de finances rectificative pour 2021 adoptée cet été. Sollicitée plusieurs mois avant son entrée en vigueur potentielle prévue le 1er janvier 2022, l’autorisation de Bruxelles est à ce jour attendue.

À noter que la réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions au capital d’entreprises de presse a été prolongée de trois ans, et s’appliquera aux souscriptions réalisées jusqu’au 31 décembre 2024 (article 71). Quant au crédit d’impôt pour premier abonnement à la presse, il a été renouvelé jusqu’à fin 2023 (article 78).

IMMOBILIER

La loi de finances pour 2022 proroge et renforce deux mesures en faveur des travaux de rénovation énergétique des logements.

  • L’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) est prorogé jusqu’au 31 décembre 2023, ainsi que l’expérimentation (en Île-de-France et dans les Hauts-de-France) de sa distribution par des sociétés de tiers-financement. Pour les travaux qui apportent un gain énergétique minimum de 35 % et permettent de sortir un logement du statut de passoire thermique, son plafond est relevé à 50 000 euros (pour les avances émises au 1er janvier 2022) et sa durée de remboursement portée à 20 ans (pour les offres émises au 1er janvier 2022). Enfin, la constitution des dossiers d’éco-PTZ est simplifiée dans le cas d’un cumul de l’éco-PTZ avec le dispositif MaPrimeRénov’ à compter du 1er juillet 2022 (article 86).
  • Le dispositif MaPrimeRénov’ évolue aussi et est reconduit en 2022. À partir du 1er janvier 2022, seuls les logements construits depuis au moins 15 ans sont éligibles ; l’aide est consolidée avec un budget de 2 milliards d’euros. Au total, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) dispose d’une enveloppe de 3,2 milliards d’euros pour la rénovation des logements particuliers en 2022.

Comme énoncé dans la partie « Réductions et crédits d’impôt », nous rappelons ici qu’en matière d’investissement immobilier locatif, les dispositifs Censi-Bouvard (article 74) et Denormandie (article 75) sont prorogés dans les mêmes conditions, respectivement jusqu’au 31 décembre 2022 et 31 décembre 2023. Quant au dispositif expérimental « Pinel breton », il est prolongé jusqu’au 31 décembre 2024 (article 93).

Révision des valeurs locatives

Dans le cadre de la révision des valeurs locatives de 2026, et pour les besoins du rapport d’évaluation sur les conséquences de cette révision qui sera remis au Parlement le 1er septembre 2024, les propriétaires de biens à caractéristiques exceptionnelles (environ 13 000 châteaux et maisons classés ou inscrits monuments historiques) devront souscrire avant le 1er juillet 2023 une déclaration indiquant notamment les éléments constitutifs de la valeur vénale des biens (article 114).

PLUS-VALUES DES PARTICULIERS

Actifs numériques : des précisions sur la taxation des plus-values

La plus-value est soumise à l’impôt sur le revenu dès lors que la cession excède 305 euros. Elle est imposable dans une catégorie spécifique, sur le formulaire n° 2086 « Déclaration des plus ou moins-values de cessions d’actifs numériques », qu’il convient de reporter sur la déclaration n° 2042 C, en case 3AN ou 3BN. Aujourd’hui, ces gains sont taxés au prélèvement forfaitaire unique de 12,8 %. À compter des cessions réalisées en 2023, leur titulaire pourra opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Dans tous les cas, les plus-values sont assujetties aux prélèvements sociaux de 17,2 % actuellement en vigueur.

À l’instar des opérations de Bourse, l’activité d’achat, échange et vente d’actifs numériques peut être considérée comme exercée de façon professionnelle. Dans ce cas, les gains seront taxés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) à partir de 2023 (articles 70 et 79).

ENTREPRENEURS ET INDÉPENDANTS

La loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS)(2) pour 2022 traduisent les mesures fiscales et sociales du plan en faveur des indépendants annoncé le 16 septembre 2021.

Cession dentreprise et retraite

Le chef d’entreprise qui souhaite mettre fin à sa vie active bénéficie d’une incitation fiscale spécifique s’il fait coïncider la cession de son entreprise et son départ à la retraite (article 19, LF 2022).

  • Si l’entreprise à céder est une société soumise à l’impôt sur les sociétés, le cédant peut bénéficier d’un abattement fixe de 500 000 euros sur sa plus-value de cession (article 19). La durée de cet abattement « dirigeant » initialement échue à fin décembre 2022 est prorogée jusqu’au 31 décembre 2024 (article 19, II et III de la LF 2022).
  • Si l’entreprise cédée est une entreprise individuelle ou une société de personnes, le cédant peut également bénéficier d’un régime très incitatif puisqu’il prévoit l’exonération totale de la plus-value de cession (exception faite des plus-values immobilières), sous réserve du respect de plusieurs conditions. Pour tenir compte des contraintes liées à la crise sanitaire, le législateur a allongé le délai qui encadre la transmission de l’entreprise et le départ à la retraite. Si le cédant a fait valoir ses droits à la retraite en 2019, 2020 ou 2021, la cession de l’entreprise peut intervenir dans un délai porté de deux à trois ans (article 19).

Cession d’une entreprise individuelle : l’exonération augmentée

Lorsqu’une entreprise individuelle est vendue ou transmise(4), la plus-value dégagée par la cession n’est pas intégralement taxée à l’impôt sur le revenu. En effet, si la valeur vénale des éléments transmis est inférieure ou égale à 500 000 euros, la plus-value est totalement exonérée. Si elle est comprise entre 500 000 et 1 000 000 euros, la plus-value est partiellement exonérée. Ces nouveaux plafonds s’appliquent également aux transmissions de l’intégralité des droits sociaux d’une société de personnes relevant de l’impôt sur le revenu par un associé qui y exerce son activité professionnelle (article 238 quindecies, III du Code général des impôts). De plus, lorsque l’activité est mise en location-gérance, la vente à une tierce personne autre que le locataire-gérant est désormais éligible à ces exonérations (article 19, LF 2022).

Entreprise individuelle et option pour l’impôt sur les sociétés

Le plan en faveur des indépendants procède à une réforme de taille en créant un statut unique d’entrepreneur individuel, qui peut opter pour l’impôt sur les sociétés par leur assimilation à l’EURL. Dans ce cas, les dividendes perçus par l’entrepreneur seront soumis aux cotisations sociales pour leur fraction excédant 10 % du bénéfice ou 10 % de la valeur des biens du patrimoine affecté à l’activité. L’exploitant sera soumis au régime social du gérant associé unique d’EURL (article 13, LF 2022).

Par ailleurs, les délais d’option et de renonciation pour les régimes d’imposition à l’impôt sur le revenu des entrepreneurs individuels sont allongés, notamment par souci de cohérence avec le calendrier des déclarations fiscales (article 7).

Retraite de certaines professions indépendantes

L’article 108 de la LFSS pour 2022 vise à permettre le rachat de trimestres de retraite de base entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2026 à des professions indépendantes qui n’ont pas été affiliées à un régime de base du fait de la non-reconnaissance de leur activité (ostéopathes, chiropracteurs, naturopathes, étiopathes, acupuncteurs, sophrologues et hypnotiseurs). Dans ce contexte, l’article 18 de la loi de finances pour 2022 admet en déduction du résultat imposable des travailleurs indépendants concernés les cotisations que ceux-ci versent dans le cadre du rachat de trimestres de base prévu à l’article 108 de la LFSS pour 2022 précité.

Conjoints collaborateurs : des nouveautés

Enfin, les articles 24 et 96 de la LFSS pour 2022 modifient sensiblement le statut du conjoint collaborateur.

Le but est de positionner le statut du conjoint collaborateur comme transitoire pour une durée limitée à cinq ans, tout en l’ouvrant au concubin du chef d’entreprise artisanale, commerciale ou libérale puisque ce conjoint peut dorénavant s’en prévaloir. Les dispositions comportent aussi des mesures en matière d’indemnités complémentaires de remplacement du conjoint collaborateur en cas de survenance d’un enfant dans son foyer en adoptant ou accueillant.

La limitation de la durée à cinq ans, toute période cumulée pour ledit conjoint collaborateur et toutes entreprises confondues au titre desquelles ce statut a été appliqué, vise en outre à procurer davantage de droits sociaux audit conjoint collaborateur durant son activité professionnelle.

Après cette période, le conjoint collaborateur qui poursuit de manière régulière son activité dans l’entreprise considérée doit opter, soit pour le statut de conjoint salarié, soit pour celui de conjoint associé. À défaut de faire ce choix, c’est le statut de conjoint salarié qui s’applique.

Une exception est toutefois possible si le conjoint collaborateur atteint l’âge de 67 ans au plus tard fin 2031 : il pourra alors conserver son statut jusqu’à la liquidation de ses droits à la retraite.

(1) Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, JORF n° 0304 du 31 décembre 2021
(2) Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, JORF n° 0299 du 24 décembre 2021
(3) https://www.economie.gouv.fr/cedef/dispositif-cosse-louer-abordable
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/22007_LocAvantages-dossier_information_Vfinale.pdf
(4) Article 238 quindecies, VII du Code général des impôts

Vous pourriez aussi être intéressé par

Perspectives économiques : le maintien de la croissance bénéficiera aux actions
Résidence secondaire : bien mesurer le coût fiscal de son investissement
Immobilier de bureaux : pourquoi garde-t-il les faveurs des investisseurs ?
Assurance vie et couple : attention aux fonds communs
Le PEA, un outil patrimonial polyvalent
Private equity : des atouts aux origines d’un succès grandissant
Cession d’entreprise et retraite : une incitation fiscale aménagée