Démembrement de propriété : les nouvelles règles fiscales de la loi de finances pour 2024

Les familles, qui recourent au démembrement de propriété sur des liquidités, peuvent être amenées à revoir les dispositions prises par le passé afin de tenir compte de l’évolution de la fiscalité du quasi-usufruit.

La loi de finances pour 2024(1) limite, dans certaines situations, les effets fiscaux d’un démembrement de propriété portant sur une somme d’argent. Cette évolution invite les familles, dans certaines circonstances, à prendre des mesures pour tenir compte des nouvelles règles.

Certaines transmissions concernées

En donnant la seule nue-propriété d’un bien, le donateur entame la transmission tout en conservant l’usufruit. Celui-ci confère à son titulaire le droit de jouir du bien, c’est-à-dire le pouvoir de l’utiliser ou d’en retirer les fruits. Appliqué à un bien immobilier, il donne le droit d’habiter le bien ou de le mettre en location. Cette opération permet d’atténuer le montant des droits de mutation à titre gratuit, calculés sur une assiette réduite par rapport à celle appliquée sur la pleine propriété. En outre, au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire est investi de la pleine propriété puisqu’il y a extinction de l’usufruit, et ce, sans droits supplémentaires(2). « Il arrive que le bien dont la propriété est démembrée soit vendu. Dans ce cas, l’usufruitier et le nu-propriétaire ont la possibilité de reporter le démembrement sur le prix de cession(3) », explique Michel Leroy, professeur Droit privé et sciences criminelles à l’Université Toulouse Capitole. « Cette situation donne au donateur usufruitier la possibilité d’utiliser les liquidités comme bon lui semble, les réinvestir ou les consommer. Toutefois, l’usufruitier doit restituer au nu-propriétaire l’équivalent de ce quil a utilisé au terme du démembrement de propriété. Si ce terme intervient au décès de l’usufruitier, la dette de restitution est prélevée sur sa succession(4). Jusqu’à présent, cette dette était déduite de l’actif soumis aux droits de succession(5) ». Ce n’est désormais plus le cas.

De nouvelles règles anti-fraude fiscale

La loi de finances pour 2024 a mis un terme à la déductibilité de la dette de restitution à compter des successions ouvertes depuis le 29 décembre 2023(6), dès lors que les exceptions prévues(7) ne s’appliquent pas. En conséquence, son montant est soumis aux droits de succession. « La loi présume que certaines constitutions de quasi-usufruit sont frauduleuses en ce qu’elles poursuivent un objectif principalement fiscal. Dans certains cas, il est toutefois possible d’apporter la preuve de leur régularité, indique Michel Leroy. Par exemple, il peut être démontré que l’usufruitier a besoin de reporter l’usufruit sur l’intégralité du prix de cession plutôt que de récupérer sa quote-part, car son patrimoine s’avère trop illiquide. Cette opération lui permet d’augmenter sa capacité de capitalisation en assurance vie ou dans un plan d’épargne retraite (PER), afin de générer des revenus en vue de la retraite. À cet égard, le diagnostic patrimonial par le conseiller privé est déterminant ». Par prudence et en raison du temps long qui peut s’écouler entre la souscription d’un tel contrat ou plan et son décès, le disposant peut prendre certaines précautions dès l’origine du quasi-usufruit afin d’éviter les éventuelles prétentions de l’administration fiscale. Il a ainsi tout intérêt à indiquer les raisons « non principalement fiscales » qui sous-tendent l’opération de quasi-usufruit dans un acte notarié ou dans un acte sous seing privé, qu’il veillera à faire enregistrer auprès de l’administration fiscale afin de le rendre opposable à cette dernière dans l’avenir.

Toutefois, la nouvelle règle épargne les quasi-usufruits résultant de clauses bénéficiaires démembrées des contrats d’assurance vie(8).De même, elle ne concerne pas les situations d’usufruit du conjoint survivant portant sur une somme d’argent(9).

Pour savoir si vous êtes concerné par la mesure et en mesurer l’impact, rapprochez-vous de votre conseiller privé qui pourra procéder à un audit circonstancié de votre situation.

(1) Article 774 bis nouveau du Code général des impôts (CGI)
(2) Article 1133 du CGI
(3) Article 621 du Code civil
(4) Article 587 du Code civil
(5) Article 768 du CGI
(6) Article 774 bis du CGI
(7) Article 774 bis, I, alinéa 2 du CGI
(8) Car les sommes versées dans un contrat d’assurance-vie par le souscripteur, et généralement également assuré, ne sont plus sa propriété mais celle de la compagnie d’assurance envers laquelle il détient alors une créance. Dès lors, les capitaux à verser au décès, objet du quasi-usufruit, proviennent de la compagnie d’assurance et non de l’assuré décédé,  écartant de plein droit les nouvelles règles fiscales de la loi de finances pour 2024.
(9) Articles 757 et 1094-1 du Code civil

Vous pourriez aussi être intéressé par

Un questionnaire pour mieux définir votre profil d’investisseur responsable
Plan d‘Epargne Avenir Climat : un placement dédié aux jeunes pour soutenir la transition écologique
Comment investir pour réduire son impôt sur le revenu
Les clés d’une cession-transmission d’entreprise réussie
Comment gérer l’écart de revenus dans un couple
Le crédit, véritable outil de gestion patrimoniale
IA : des secteurs gagnants et des perdants