La nouvelle version du label ISR plus exigeante

Applicable à compter du 1er mars 2024, le nouveau label ISR marque la volonté de promouvoir une finance plus durable et responsable, alignée sur les objectifs climatiques globaux.

En France, le label ISR (Investissement Socialement Responsable), créé en 2016, a été le premier label d’État permettant aux particuliers de choisir des supports d’épargne intégrant dans leur gestion des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). En 2023, près de 1 200 fonds étaient certifiés, représentant environ 770 milliards d’euros d’actifs sous gestion. Les critères d’obtention avaient cependant peu évolué depuis 2016. « La refonte du label ISR était cruciale pour assurer et renforcer sa crédibilité auprès du grand public, indique Célina Vazquez-Ibanez, Directrice Marketing, Communication et Expérience client chez Natixis Investment Managers. Elle répond aux attentes des épargnants toujours plus nombreux à vouloir donner du sens à leurs placements, mais aussi à l’ampleur des défis collectifs, en particulier en matière de développement durable et de responsabilité sociale ». Le nouveau référentiel du label ISR(1), qui définit les critères d’éligibilité et de labellisation, entrera en vigueur le 1er mars 2024(2) pour les nouveaux fonds candidats. La lutte contre le changement climatique en est un principe clé.

Élargissement des exclusions

Ainsi, sont exclus les émetteurs dont plus de 5 % de l’activité viennent du charbon ou des énergies fossiles non conventionnelles, ceux qui lancent de nouveaux projets d’exploration, d’exploitation ou de raffinage d’hydrocarbures, ainsi que les producteurs d’électricité trop fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Par ailleurs, le nouveau référentiel renforce les exigences de sélectivité sur les critères ESG. Les fonds doivent désormais éliminer de leur univers d’investissement les 30 % de valeurs ayant les plus faibles notes ESG, contre 20 % auparavant. L’objectif est d’encourager les entreprises à améliorer leurs pratiques ESG.

Intégrer la dimension climat

Au-delà de ces exclusions, une politique climatique est désormais requise pour les fonds labellisés. « Les sociétés de gestion devront analyser, contrôler et accompagner les plans de transition des entreprises avec l’objectif d’aligner progressivement les portefeuilles sur l’Accord de Paris », indique Célina Vazquez-Ibanez. Avec une obligation de résultat au 1er janvier 2026 : à cette date, en effet, 15 % des entreprises des secteurs à fort impact climatique (agriculture, industries extractives, production et distribution de gaz, transports…)(3) devront être dotées d’un plan de transition climatique crédible vis-à-vis des objectifs de l’Accord de Paris. Par ailleurs, 20 % supplémentaires devront s’engager, pour une durée maximale de trois ans, à mettre en œuvre une stratégie de transition crédible. En l’absence de résultat, les émetteurs sortiront du portefeuille.

Une double matérialité systématique

Rendue obligatoire, la double matérialité signifie que les impacts positifs et négatifs de l’activité des entreprises en portefeuille sur les critères ESG doivent être pris en compte, au même titre que les effets financiers des dimensions E, S et G sur les portefeuilles. « L’approche de la double matérialité est cohérente avec le règlement européen SFDR (Sustainable finance disclosure régulation)(4), qui vise à augmenter la transparence sur la durabilité des produits financiers et répondre aux attentes des épargnants en la matière », souligne Célina Vazquez-Ibanez.

Des choix plus durables

Les évolutions apportées devraient, selon Morningstar, avoir des conséquences sur 45 % des fonds labellisés. Changent-elles quelque chose pour les épargnants ? « Cela facilitera l’identification et donc leur prise de décision, répond Célina Vazquez-Ibanez. Ils sauront qu’ils sont alignés sur des pratiques plus durables et responsables que d’autres, en adéquation avec leur volonté croissante de donner du sens à leurs épargne ». Cependant, ils doivent être conscients que, pour se conformer au nouveau label, les fonds ISR auront peut-être à choisir entre exclure certains titres ou renoncer au label. Avec un potentiel impact sur la composition des portefeuilles et les performances pour les épargnants.

À noter que le label ISR reste avant tout généraliste. Les épargnants peuvent donc s’attendre à ce que les fonds labellisés ISR continuent de prendre en compte une variété de facteurs ESG dans leur stratégie d’investissement.

Des défis et opportunités pour les gérants

L’exclusion des secteurs les plus polluants ou non-alignés sur l’Accord de Paris pourraient limiter l’univers d’investissement des sociétés de gestion et « les amener à délaisser des valeurs choisies pour leur rentabilité, car plus en accord avec le nouveau label, souligne Célina Vazquez-Ibanez. Avec potentiellement une baisse sur le rendement des fonds labellisés par rapport aux fonds traditionnels, du moins à court terme ». Il faudra donc équilibrer les objectifs de rendement avec les impératifs ESG. Analyser les politiques de transition des entreprises à tout moment nécessite également d’accéder à des données fiables et détaillées. « Par prudence, les sociétés de gestion pourraient exclure des entreprises, faute de données sûres, afin d’éviter tout greenwashing », estime Célina Vazquez-Ibanez.

Elles peuvent aussi se saisir des nouvelles exigences pour diversifier leurs offres, par exemple en développant des fonds spécialisés dans des secteurs émergents ou des technologies propres, ou bien en intégrant des stratégies d’investissement à impact. L’occasion de sensibiliser les particuliers à la valeur ajoutée qu’apportent ces changements et à la valeur à long terme d’un investissement durable et responsable.

La réforme du label ISR est donc un pas supplémentaire vers un système financier plus attentif aux enjeux sociaux et environnementaux. Il offre aux épargnants des options de diversification en accord avec leurs valeurs et contribuant à une économie plus durable, au-delà de la seule recherche de rendement. Pour Célina Vazquez-Ibanez, « c’est un appel à l’action pour tous – épargnants, investisseurs, sociétés de gestion et entreprises – afin de contribuer à une économie plus verte, plus inclusive et plus durable. L’heure est à l’action responsable et stratégique, à la prise de décisions éclairées, non seulement au profit de la prospérité financière, mais aussi de l’avenir de notre planète ».

(1) https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43229-referentiel-ISR.pdf
(2) Les fonds déjà labellisés bénéficient d’une période de transition jusqu’au 1/1/2025 pour se mettre en conformité.
(3) Annexe I, sections A à H et section L, du règlement (CE) no 1893/2006 du Parlement européen et du Conseil.
(4) Fonds responsables : des règles communes pour mieux informer les investisseurs

Vous pourriez aussi être intéressé par

Le sport, nouveau terrain de jeu des investisseurs
Location de meublés de tourisme : quelle fiscalité en 2024 ?
Loi de finances pour 2024 : quelles nouveautés fiscales ?
L’habilitation familiale : le bon réflexe en cas d’incapacité
Partage de la valeur : faire d’une obligation règlementaire une opportunité
Gestion sous mandat : investir en toute sérénité dans un cadre responsable