Le marché immobilier résidentiel poursuit sa normalisation
L’inflation et la hausse des taux d’intérêt ont fortement impacté le marché immobilier. En 2024, le nombre de transactions et les prix devraient continuer à baisser.
En 2023, le ralentissement du marché immobilier résidentiel s’est poursuivi. Principal facteur de ce retournement : la remontée des taux d’intérêt entamée début 2022. Le taux moyen de l’OAT(1) à 10 ans est ainsi passé de 0,5 % en 2021 à 3 % en 2023. Cette hausse a eu un impact direct sur l’octroi de crédits immobiliers aux particuliers. Ainsi, la production annuelle (hors renégociations) est ressortie à 129 milliards d’euros en 2023, contre 218 milliards d’euros en 2022(2), « un niveau comparable à celui qui prévalait avant la période de taux d’intérêt exceptionnellement bas », note Jean-Philippe De Oliveira, Directeur Animation et Marketing chez BPCE Solutions immobilières. S’ajoute une inflation encore élevée en 2023 de 4,9 %(3) qui pèse sur la confiance et le pouvoir d’achat des ménages.
Chute des transactions
Les ventes dans l’ancien ont reculé de 22 % par rapport à 2022 soit 869 000 unités(4), « ce qui reste un niveau correct proche de celui de la moyenne de longue période », relève Sandra Maussin, chef de projet marketing chez BPCE Solutions immobilières. Quant au prix, l’indice Notaires-Insee(5) fait ressortir une baisse de 4 % dans l’ancien, avec des disparités selon les régions : -6,9 % en Île-de-France, -2,9 % en province et -0,6 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Dans le neuf, la correction est davantage marquée avec des ventes totales en baisse de 26 % soit 94 828 unités(6). En cause de ce décrochage : un déficit d’offres en raison d’un niveau très faible de mises en chantier (-22 %) et de permis de construire (-23,7 %) ; une hausse des coûts de matériaux de construction ; la rareté et les prix élevés du foncier ; enfin, « l’entrée en vigueur début 2022 de la nouvelle réglementation environnementale (RE 2020) pour la construction », complète Sandra Maussin. S’ajoute, comme dans l’ancien, le repli de la demande avec, pour effet, un allongement des délais d’écoulement qui se poursuit, puisque, fin 2023, le stock de biens équivalait à 21,5 mois de commercialisation contre 9,1 mois deux ans plus tôt(7). Pour autant, les prix dans le neuf n’ont pas baissé facialement. Au contraire, le prix de vente moyen des logements collectifs était en hausse de 4,3 % en 2023.
Stabilisation des taux
Après avoir fortement et rapidement remonté ses taux d’intérêt, la Banque centrale européenne (BCE) les maintient inchangés depuis septembre 2023. S’ils semblent avoir atteint un pic, la BCE veut être certaine d’atteindre la cible de 2 % d’inflation pour amorcer la baisse de ses taux d’intérêt. Les taux de crédit immobilier devraient donc se stabiliser, voire commencer à baisser. « C’est déjà le cas depuis le mois de janvier 2024, constate Jean-Philippe De Oliveira. Selon L’Observatoire Crédit Logement/CSA, le taux moyen des crédits du secteur concurrentiel est passé de 4,22 % en décembre 2023 à 4,13 % en janvier et 3,99 % en février 2024 ». Et le retour à l’actualisation trimestrielle du taux d’usure « devrait contribuer à la tendance vers la stabilisation des barèmes de crédit immobilier, et donner une meilleure visibilité aux emprunteurs », estime la Banque de France. L’accès au crédit s’en trouvera-t-il amélioré ? Pas sûr, car le contexte est à peine plus favorable : les ajustements des règles des conditions d’octroi des crédits émises par le Haut Conseil de stabilité financière sont jugés trop prudents et l’utilisation de la marge de flexibilité reste stable depuis 2022.
Plus d’offre dans l’ancien
Pour redynamiser le marché face à la baisse de capacité d’achat des emprunteurs, les prix doivent baisser. « Les biens anciens qui présentent un diagnostic de performance énergétique (DPE) E, F ou G vont subir une décote et voir leur prix continuer à baisser », indique Jean-Philippe De Oliveira. Mais cette baisse ne compense pas le coût important des travaux de rénovation à réaliser pour passer à un DPE vertueux. Cela devrait conduire certains propriétaires-bailleurs à mettre sur le marché un surplus de logements de faible performance énergétique. « Le pouvoir de négociation des acquéreurs s’en trouve renforcé, d’autant qu’à partir du 1er janvier 2025, les logements classés G seront interdits à la location », rappelle Sandra Maussin. En 2024, les prix immobiliers moyens devraient de nouveau afficher une variation négative de 6 % et les transactions baisser de 11 % soit 780 000 unités(8).
Les permis de construire à la baisse
Dans le neuf, alors que le besoin de logements est criant, l’arrêt de l’artificialisation nette des sols, les contraintes de coûts toujours marquées, l’arrêt du Pinel fin 2024 (hors Pinel+) sans alternative à ce jour ou encore le recentrage du prêt à taux zéro ne militent pas en faveur d’une hausse de l’offre. Comme en 2023, le niveau de construction pourrait rester bas avec moins de 300 000 mises en chantier. Le faible niveau de demande actuelle devrait également tirer les prix vers le bas. En réponse à ce défaut de construction, le gouvernement met davantage l’accent sur la rénovation avec un double objectif : 200 000 rénovations d’ampleur par an à partir de 2024 et la réduction de 60 % du nombre de passoires thermiques d’ici 2030. « L’avenir est donc à l’ancien », souligne Jean-Philippe De Oliveira. Dans le neuf, la crise est structurelle ; en sortir prendra donc plus de temps.
Dans l’ancien comme dans le neuf, acheteurs et vendeurs vont devoir s’adapter à ce nouveau contexte. Les prix vont continuer à se normaliser sans toutefois s’effondrer. D’autant que les facteurs de soutien du marché immobilier sont toujours présents : volonté d’être propriétaire, décohabitation, préparation de la retraite ou effet valeur refuge… Il bénéficie aussi de deux atouts : un marché du crédit à l’habitat sain qui repose sur la solvabilité de l’emprunteur et non sur la valeur du bien, ainsi que des crédits quasi exclusivement à taux fixes.
(1) Obligation assimilable du Trésor.
(2) Banque de France – 7 mars 2024.
(3) Insee – Janvier 2024.
(4) Indices Notaires-Insee des prix des logements anciens – 29 février 2024.
(5) Ibid.
(6) Les chiffres de la promotion privée – 4ème trimestre 2023 et bilan annuel – Observatoire de l’immobilier de la FPI.
(7) Ibid.
(8) BPCE L’Observatoire, 19 décembre 2023.
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