Changement de régime fiscal pour les associés de SEL soumis à l’IS  

L’imposition des associés de sociétés d’exercice libéral (SEL) est modifiée depuis le 1er janvier 2024. Jean-Daniel Mercier, responsable de l’ingénierie patrimoniale chez Otoktone, Banque d’affaires de Banque Populaire Grand Ouest, explique les contours de cette réforme.

Pharmaciens, médecins, avocats, experts-comptables, architectes… Après un report d’une année, certains professionnels libéraux doivent intégrer, depuis le 1er janvier 2024, un nouveau régime d’imposition de leur rémunération.  

Bascule dans les bénéfices non commerciaux

Ces nouvelles règles impacteront donc la déclaration n°2042 établie en 2025 sur les revenus perçus en 2024. Alors qu’elle relevait de la catégorie des traitements et salaires, la rémunération de ces professionnels libéraux est désormais imposée en tant que bénéfices non commerciaux (BNC). Toutefois, ce principe ne s’applique pas s’il existe un lien de subordination du professionnel avec la société libérale. 

La réforme opérée par l’administration fiscale(1) pour se conformer à la jurisprudence(2) vise les associés, personnes physiques, des sociétés d’exercice libéral (SEL) soumises à l’impôt sur les sociétés (IS). Il peut s’agir de sociétés à responsabilité limitée (SELARL), de sociétés anonymes (SELAFA), de sociétés en commandite par actions (SELCA) ou de sociétés par actions simplifiées (SELAS). Peu importe que les associés soient dirigeants ou non de la structure. Ils sont concernés par la réforme dès lors qu’il n’existe ni contrat de travail ni lien de subordination avec la SEL.  

Les rémunérations techniques seules concernées

Leur rémunération est susceptible d’être composée de deux compartiments : les revenus d’exercice de leur profession en tant qu’associés, dits « rémunérations techniques », et, le cas échéant, les rémunérations au titre de leur mandat social. Seules les rémunérations techniques sont concernées par le changement de régime. 

Avant 2024, ces rémunérations étaient imposées à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires. Pour les gérants majoritaires de SELARL et les gérants de SELCA soumises à l’IS, les rémunérations étaient imposables à l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues à l’article 62 du Code général des impôts(3) : le montant de la rémunération était ainsi imposé dans la catégorie des traitements et salaires après déduction des cotisations et primes prévues pour les travailleurs indépendants. 

Désormais, les rémunérations perçues par les associés, personnes physiques, d’une SEL au titre de l’exercice de leur activité libérale dans cette société, sont imposables, en principe, dans la catégorie des BNC. 

Autre régime pour les rémunérations de mandat social

Ces nouvelles règles imposent de distinguer les revenus techniques des rémunérations relevant de la fonction de direction. Cette distinction peut apparaître dans les documents statutaires ou comptables, qui fixent la rémunération accordée par la société au titre de la fonction de gérant ou qui mesurent le temps passé à l’exercice de cette fonction. 

Pour les gérants majoritaires de SELARL et les gérants de SELCA, il est admis en pratique que 5 % de la rémunération d’ensemble perçue correspond aux revenus afférents à leur fonction de gérant. Ce forfait s’applique, même s’il est possible de les distinguer de la rémunération issue de leur activité libérale. 

Dans les SELAFA et les SELAS, les présidents et directeurs généraux rémunérés au titre de leur mandat social relèvent du régime général des salariés. Ils peuvent toutefois relever également du régime des travailleurs non-salariés lorsqu’ils réalisent des actes professionnels au sein de la société. En effet, la réalisation d’actes professionnels caractérise l’exercice d’une profession libérale et affilie automatiquement ceux qui l’exercent au régime des travailleurs non-salariés. Il y a donc double affiliation.

Les effets de la qualification de BNC 

Les BNC sont taxés selon deux modalités : le micro-BNC(4) ou le régime de la déclaration contrôlée. Le micro-BNC s’applique aux professionnels dont le chiffre d’affaires hors taxe réalisé lors de l’année civile précédente ou de la pénultième année n’excède pas 77 700 €. Pour l’appréciation de ce seuil, il faut retenir la rémunération versée par la SEL et, le cas échéant, « les dépenses professionnelles de l’associé acquittées en son nom et pour son compte par la SEL, au titre de l’année civile précédente et/ou de la pénultième année, qui auraient été déclarées dans la catégorie des BNC si elles avaient été perçues à compter de 2024 »(5).

Au-delà de ce seuil, ou si ce régime est préférable, le professionnel libéral relève du régime de la déclaration contrôlée. Ce dernier implique de tenir une comptabilité présentant le détail des recettes et des dépenses professionnelles. À ce titre, les cotisations Madelin sont déductibles des BNC. Par ailleurs, le changement de régime fiscal n’a aucun impact en matière de TVA(6). Les rémunérations techniques perçues par les associés de la part de la SEL n’entrent pas dans le champ d’application de la TVA. Par conséquent, les rémunérations ne sont pas soumises à l’obligation de facturation(7). S’agissant de la CET(8), voire de la CVAE(9), le changement de fiscalité n’a pas non plus d’incidence, puisque l’activité imposable est exercée par la SEL et non par les associés(10). Ce n’est que si les associés exercent une activité professionnelle non salariée qu’ils sont susceptibles d’être imposés en leur nom propre.

Enfin, si, dans certains cas, le professionnel libéral qui exerce dans la SEL bénéficie du régime social d’assimilé salarié, il ne peut néanmoins bénéficier des dispositions du Code du travail applicables au salarié, dont, par exemple, l’accès aux dispositifs d’épargne salariale (participation, intéressement, plan d’épargne salariale). Toutefois, rien ne s’oppose à ce qu’il en bénéficie en tant que dirigeant, s’il a le statut de président, directeur général, gérant ou encore membre du directoire de la SEL(11).

(1) BOI-RSA-GER 10-30, n° 520 (https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/6333-PGP.html/identifiant%3DBOI-RSA-GER-10-30-20221215#viii_cas_particu_8459)
(2) Conseil d’État, 16 oct. 2013, n° 339822 et Conseil d’État, 8 déc. 2017, n° 409429.
(3) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000019288260/
(4) Rescrit du 16 novembre 2023 intégré au BOFiP.
(5) https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/14084-PGP.html/identifiant=BOI-RES-BNC-000136-20231227
(6) BOI-TVA-CHAMP-10-1060-10 n° 185 : BF 3/20 inf. 182.
(7) Art. 289 du CGI.
(8) Contribution économique territoriale.
(9) Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
(10) BOI-RES-BNC-000136
(11) BOI-RES-BNC-000136

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