Les clés d’une cession-transmission d’entreprise réussie
Après avoir présenté les étapes préalables(1), puis la préparation et le processus de l’opération(2), le troisième et dernier volet de notre série consacrée à la « cession-transmission d’entreprise » porte sur l’accompagnement post-cession du dirigeant-cédant en matière de solutions patrimoniales.
Ça y est, la cession d’entreprise est réalisée. Vient pour l’ex-dirigeant la question des incidences fiscales d’une telle opération. Pour Alexandre Baux, avocat Directeur associé au cabinet Fidal, « l’hypothèse d’une cession des actions et celle de l’apport-cession doivent alors être distinguées ». Plus globalement, la réussite d’une cession d’entreprise se juge sur l’utilisation du produit de la vente au moment où le cédant démarre sa « nouvelle vie ».
Obligation de déclarer sa plus-value de cession
Lorsque la cession des actions de sa société a généré une plus-value, le cédant ne peut éviter la case impôt et prélèvements sociaux. Ainsi, l’année qui suit la vente, il devra la mentionner dans sa déclaration d’impôt sur le revenu. Celle-ci est actuellement taxée de plein droit à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8 %, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %. Par dérogation, les plus-values peuvent, sur option expresse et irrévocable du contribuable, être soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Les revenus sont alors pris en compte dans le revenu net global. « Attention, l’option est globale et porte sur l’ensemble des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux, des distributions et des gains nets », rappelle Alexandre Baux.
Abattement pour durée de détention
Exercer cette option permet de bénéficier sous conditions(3) d’un abattement pour durée de détention sur les plus-values de cession de titres (après compensation avec les moins-values). Cet abattement proportionnel de droit commun, qui s’élève à 50 % ou 65 %, peut être, dans certains cas, renforcé. Il peut atteindre jusqu’à 85 % selon la durée de détention des titres. L’abattement s’applique aux titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018. Par ailleurs, une fraction de la CSG (6,8 %) est déductible l’année suivante. « L’enjeu ici est double : définir avec ses conseils si l’option au barème progressif est plus avantageuse que le prélèvement forfaitaire unique et déterminer si la plus-value peut être éligible à un abattement renforcé », indique l’avocat.
Abattement en cas de départ à la retraite
Pour encourager les dirigeants à céder leur entreprise aux jeunes générations, ceux qui font coïncider leur départ à la retraite et la cession de leur entreprise peuvent bénéficier, sous conditions, d’un abattement de 500 000 € sur leur plus-value(4). « Dès lors que cet abattement n’est pas cumulable avec un abattement proportionnel de droit commun ou renforcé, il conviendra de réaliser une analyse d’opportunité et d’applicabilité », conseille Alexandre Baux.
Le montant de la plus-value pourrait aussi être soumis à une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR). Assise sur le revenu fiscal de référence (RFR), elle est égale à 3 % de la fraction du RFR compris entre 250 000 et 500 000 € pour une personne seule (entre 500 000 et 1 million d’€ pour les contribuables soumis à imposition commune) et à 4 % de la fraction du RFR supérieure à 500 000 € pour une personne seule (1 million d’€ pour les contribuables soumis à imposition commune). Ces deux taux sont cumulatifs.
Report d’imposition de la plus-value de cession
Nombreux sont les chefs d’entreprise qui, à la suite de la vente de leur entreprise, réinvestissent tout ou partie du produit de la cession dans des projets économiques locaux. Le dirigeant peut alors, en amont, trouver opportun d’apporter ses titres à une holding qu’il contrôle soumise à l’impôt sur les sociétés, avant que celle-ci ne les cède à un tiers. Quel est l’intérêt d’une telle opération ? « Il bénéficie de l’article 150-O B ter du CGI qui permet un report d’imposition de la plus-value de cession de plein droit, répond Alexandre Baux. Aucun impôt ne sera dû l’année de l’apport des titres ». Cependant, les règles d’assiette et de taux applicables à la plus-value à l’expiration du report sont celles en vigueur lors de l’apport. L’apporteur devra indiquer la plus-value en report d’imposition dans sa déclaration d’impôt sur le revenu de l’année qui suit celle de l’apport jusqu’à ce qu’intervienne un évènement mettant fin au report.
Trois cas de fin de report d’imposition
L’imposition de la plus-value en report intervient dans trois situations : en cas de cession à titre onéreux, de rachat, d’annulation des titres reçus en rémunération de l’apport (titres de la holding) ; en cas de cession à titre onéreux, rachat ou remboursement des titres apportés à la holding dans un délai de trois ans à compter de l’apport ; lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France.
Dans le cas où la cession intervient moins de trois ans après l’apport, le report d’imposition peut néanmoins être maintenu « si le produit de cession est réinvesti dans les deux années suivants cette cession, à hauteur de 60 % au moins dans le financement de moyens permanents d’exploitation affectés à une activité opérationnelle(5), dans l’acquisition d’une fraction du capital (conférant le contrôle) de société exerçant une telle activité ou, depuis 2020, dans des parts ou actions de fonds communs de placement à risques (FCPR), de fonds professionnels de capital investissement (FPCI), de sociétés de libre partenariat (SLP) ou de sociétés de capital-risque (SCR) », précise Alexandre Baux. Les titres doivent être conservés au minimum cinq ans à compter de la date de souscription.
Enfin, en cas de donation des titres de la holding, le sort du report diffère selon que le donataire la contrôle ou pas. En l’absence de contrôle, la donation purge le report. Dans le cas inverse, « la plus-value en report est imposée au nom du bénéficiaire de la donation en cas de cession, d’apport, de remboursement ou d’annulation des titres reçus dans un délai de cinq ans à compter de la donation », souligne Alexandre Baux.
À nouvelle vie, nouveaux besoins
« La décision de vendre son entreprise va générer pour le cédant, au regard de sa nouvelle situation à venir, de nouveaux besoins qui doivent être pensés en amont, souligne Isabelle Demagny, banquier conseil du dirigeant chez ODIEM, la banque d’affaires de Banque Populaire Val de France. La présence du banquier privé aux côtés du dirigeant lors de toutes les étapes du processus de cession permet de l’aider à anticiper cette nouvelle vie ». Pour de nombreux anciens dirigeants, c’est l’occasion de profiter davantage de leurs proches, de consacrer plus de temps à leurs passions ou de faire du bénévolat… Certains gardent un pied dans leur ancienne entreprise pour assurer la transition avec la nouvelle direction, interviennent comme consultant ou mettent à disposition leurs savoir-faire et carnet d’adresses auprès de jeunes pousses, notamment quand ils y détiennent une participation. Pour Isabelle Demagny, « nous restons à leur écoute afin de bien comprendre leurs projets et attentes pour eux et leurs proches. Il s’agit d’identifier des solutions adaptées en termes d’ingénierie patrimoniale et fiscale, de complément de revenus, de solutions d’investissement, de financement, de prévoyance, d’anticipation successorale… ». Peut lui être proposé une diversification à travers des placements tels que l’assurance vie ou le contrat de capitalisation avec une allocation sur mesure en fonction de son appétence au risque, de la gestion sous mandat, du private equity, de l’immobilier en direct ou via des clubs deals… En parallèle, peut être placée sur du compte à terme la fiscalité à payer à court terme en fonction de l’option choisie à la cession.
Accompagner le client avant, pendant et après la cession de son entreprise renforce les liens et la fidélisation envers sa banque. « C’est aussi le cœur et la satisfaction du banquier privé que d’accompagner le client et sa famille sur le long terme à des moments clés de leur vie », conclut Isabelle Demagny.
(1) Les clés d’une cession-transmission d’entreprise réussie
(2) Les clés d’une cession-transmission d’entreprise réussie
(3) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000048805702
(4) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000036427840/
(5) Agricole, artisanale, financière, industrielle ou libérale.
Vous pourriez aussi être intéressé par
L’épargne, pilier d’une stratégie patrimoniale
La location de meublés touristiques davantage encadrée
Loi de finances pour 2025 : ce qu’il faut retenir
Anticiper la transmission de son patrimoine
Contrat de capitalisation pour personne morale : une solution pour investir un excédent de trésorerie
Les solutions pour prendre le virage de la mobilité durable
Secteur automobile : le retour progressif des investisseurs