Anticiper la transmission de son patrimoine
Pour transmettre son patrimoine selon des modalités bien précises, il est essentiel de prendre des dispositions à l’avance. Louise Doux et Charlotte Dubernet, ingénieures patrimoniales à la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique, expliquent les enjeux de cette préparation.
Pourquoi est-il essentiel d’anticiper en matière de transmission ?
Charlotte Dubernet – En premier lieu, l’anticipation permet d’organiser une transmission sur mesure, respectueuse des choix et des besoins de chacun. À défaut, la transmission s’effectue selon la dévolution légale, c’est-à-dire selon les prescriptions de la loi. Si l’on souhaite léguer des biens à des personnes non-héritières, répartir les biens entre les enfants, favoriser un descendant dans le besoin, ou encore sauter une génération, l’anticipation s’impose. Pour que cette organisation s’applique au décès, il faut rédiger un testament. Pour qu’elle prenne effet de son vivant, elle passe par des donations.
Est-il fiscalement préférable de transmettre de son vivant ?
Louise Doux – Il est évident que cette préparation permet de bénéficier des incitations fiscales à transmettre de son vivant. Pour rappel, chaque parent peut donner jusqu’à 100 000 € à chacun de ses enfants tous les 15 ans hors droits de succession(1). Il peut également donner jusqu’à 31 865 € à chaque descendant. Si les familles disposent d’un temps long, les droits de donation peuvent être drastiquement abaissés en recourant au démembrement de propriété. Dans ce cas, les parents donnent la nue-propriété de tout ou partie de leurs biens et en conservent l’usufruit, c’est-à-dire la jouissance (habiter un logement ou percevoir les revenus d’un placement financier, voire ceux d’un bien immobilier mis en location par le donateur usufruitier), mais ne peuvent les vendre sans l’accord des enfants nus-propriétaires. En revanche, le donateur usufruitier peut vendre seul son droit réel sans requérir l’accord du(es) nu(s)-propriétaire(s). Au moment de la donation, les droits sont calculés sur une valeur minorée calculée en fonction de l’âge de l’usufruitier. Par exemple, si le parent a 65 ans au moment de la donation, les droits sont calculés sur 60 % de la valeur du bien. Au décès des parents usufruitiers, aucun droit de succession n’est dû en raison de l’extinction de l’usufruit.
Qu’est-il possible et préférable de donner ?
C.D. – Il est évidemment possible de tout donner de son vivant : biens immobiliers, argent, entreprise, œuvres d’art, portefeuille de valeurs mobilières… Rappelons que les livrets (livret A, LDDS…) et PEA et le PER ne se transmettent pas en tant que tels. L’assurance-vie à proprement parler non plus : c’est l’épargne, dont son éventuelle valorisation cumulée sur le contrat, qui est transmise au bénéficiaire au moment du décès du souscripteur. Seuls les contrats de capitalisation se transmettent à proprement parler, par donation ou succession, ce qui permet de préserver leur antériorité, laquelle conditionne le traitement fiscal des revenus et des retraits. Dans tous les cas, attention à ne pas trop se déposséder de son vivant. Il faut absolument préserver ses intérêts et s’assurer de pouvoir faire face à ses besoins futurs.
Dès lors, quelles sont les stratégies à mettre en place ?
L.D. – Au préalable, un bilan patrimonial global s’impose, avec l’intervention de tous les conseils (banquiers privés, notaire, avocat, …). Sur le plan juridique, il convient ainsi d’auditer le régime de conjugalité ou matrimonial, les dispositions testamentaires déjà prises, les donations réalisées, les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance vie, etc… Le patrimoine doit aussi être audité, car sa transmission peut nécessiter au préalable des restructurations. C’est le cas, par exemple, lorsqu’il est insuffisamment diversifié. Enfin, en présence d’une entreprise, des stratégies doivent être mises en place notamment pour bénéficier du dispositif Dutreil. Celui-ci permet, en l’état actuel des textes, sous conditions, d’abaisser les droits dus en raison d’une réduction de 75 % de la valeur de l’entreprise ou des titres de la société transmis. Les familles disposent de très nombreux outils pour organiser une transmission sur mesure, progressive ou non, qui préserve les intérêts de tous.
BON A SAVOIR :
La loi de finances pour 2025 instaure jusqu’au 31 décembre 2026 une exonération des droits de mutation à titre gratuit pour « les dons d’argent consentis en pleine propriété à un enfant, petit-enfant, arrière-petit-enfant ou, à défaut d’une telle descendance, un neveu ou une nièce dans la double limite de 100 000 € par donateur pour un même donataire et de 300 000 € par donataire ». Le bénéficiaire doit affecter ces sommes dans les 6 mois à l’achat ou à la construction d’un logement neuf à titre de résidence principale ou à des travaux de rénovation énergétique du logement dont il est propriétaire et qu’il affecte à son habitation principale. L’exonération est remise en cause si le donataire n’a pas gardé le logement comme résidence principale ou ne l’a pas affecté à la location à usage d’habitation pendant une durée d’au moins cinq ans. Autre précaution : en cas de location, le bail ne peut être conclu avec un membre du foyer fiscal du donataire.
Pour aller plus loin, découvrez la Fiscalité des donations et successions.
(1) Alors que les successions entre époux et partenaire de Pacs sont totalement exonérées de droits, les donations ne le sont qu’à hauteur de 80 724 € en l’état actuel des textes.
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