L’épargne salariale et retraite, le coup de pouce insoupçonné pour améliorer la rémunération du chef d’entreprise
Assurance vie, PER individuel ou PEA : les solutions pour se constituer un complément de revenus pour les entrepreneurs se multiplient. Des solutions d’épargne collective sont également proposées par les entreprises et présentent de forts leviers fiscaux et sociaux. Comment considérer ces options dans une stratégie patrimoniale ? Nadine Huther, directrice de l’animation commerciale chez Natixis Interépargne, et Jean-Baptiste Lacour, chef de marché gestion privée chez BPCE, nous répondent.
Pouvez-vous rappeler ce qu’est l’épargne salariale et retraite ?
Nadine Huther – L’épargne salariale et retraite rassemble plusieurs dispositifs : les plans d’épargne entreprise (PEE) et plan d’épargne retraite collectif (PER COL) étant les réceptacles. Ils peuvent être alimentés par différentes sources telles que le versement volontaire pouvant être déductible sur le PER COL, l’abondement et l’intéressement. Ces dernières présentent de nombreuses vertus. L’abondement de l’entreprise vient en complément des versements réalisés par les bénéficiaires pour un effet multiplicateur très apprécié et source de motivation.
Autre source de motivation et de fidélisation : l’intéressement qui permet d’associer les salariés à l’atteinte des résultats de l’entreprise et donc au développement de cette dernière. Leur mise en place est facultative.
Les sommes versées dans le cadre d’un PEE sont disponibles dans un délai de cinq ans et sont davantage dédiées au financement d’un projet à court ou moyen terme. Alors que celles placées dans un PER COL sont récupérables au moment de la retraite et répondent parfaitement à l’objectif de se constituer un supplément de revenu pour la retraite. Cependant, il est possible de débloquer par anticipation l’épargne constituée avant le terme, notamment en cas d’acquisition de la résidence principale, de création ou reprise d’une entreprise ou de cessation d’activité(1).
Ces dispositifs sont-ils réservés aux salariés uniquement ?
Jean-Baptiste Lacour – Contrairement à une idée reçue, l’épargne salariale et retraite ne bénéficie pas qu’aux salariés de l’entreprise. Ces dispositifs profitent aussi aux chefs d’entreprise et dirigeants non-salariés (président, directeur général, gérant et membre du directoire) employant entre 1 et 250 salariés en plus d’eux-mêmes, même à temps partiel. Ils peuvent aussi bénéficier à leur conjoint ou partenaire lié par un Pacs s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé, ou à leurs enfants lorsqu‘ils sont salariés. Il est donc pertinent de déployer ces dispositifs dans le cadre d’une holding ou d’une entreprise familiale.
C’est donc intéressant pour un entrepreneur ?
J.B. L. – Ça l’est ! D’autant plus qu’après deux ans de gel en 2021 et 2022, le plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS) pour 2023 a été revu à la hausse à 43 992€. Il sert à calculer les montants maximum pouvant être versés au titre de l’abondement, et de la prime d’intéressement. En combinant les différents dispositifs, un entrepreneur qui en bénéficie peut se verser en 2023 précisément 43 552,08€ exonérés de charges sociales, patronales et d’impôt sur le revenu (3 519,36€(2) au titre de l’abonnement sur le PEE et 7 038,72€(2) sur le PER Collectif, 32 994€(3) au titre de l’intéressement). Ces montants n’échappent toutefois pas à la CSG-CRDS sur les revenus d’activités au taux de 9,7 % en 2023.
Comment ces dispositifs permettent-ils d’améliorer sa rémunération ?
N. H. – Comparé au versement d’un salaire, l’abondement et l’intéressement sont exonérés de charges patronales et de forfait social(4) – unique dispositif proposant cette double exonération ! Pour un montant de charge équivalente, ces dispositifs permettent donc à l’entrepreneur de se verser un montant supérieur exonéré de charges salariales et d’impôt sur le revenu. In fine, pour un coût équivalent, l’entrepreneur percevra 90 % du montant versé par l’entreprise dans le cadre des dispositifs d’épargne salariale et retraite.
Chaque année, et uniquement grâce au mécanisme de l’abondement, il peut se verser 10 500€ avec un effort d’épargne personnelle de 3 500€. En 10 ans, c’est donc 140 000€ d’épargne ainsi constituée (hors plus ou moins values) grâce à l’entreprise. Il agit donc comme un complément de rémunération plus intéressant que le versement d’une prime ou d’un complément de rémunération au regard du montant net d’impôt perçu (voir exemple).
Comment les mettre en place ?
N. H. – Leur mise en place est simple puisqu’une décision unilatérale du dirigeant suffit dans les entreprises sans Comité social et économique et/ou délégué(s) syndical(aux). Les modalités d’abondement sont définies librement par l’employeur selon différents critères : sources d’alimentation, taux et plafond d’abondement(2). Des critères modulables à la baisse ou à la hausse tous les ans.
Les versements volontaires sont-ils possibles ?
N. H. – Absolument. Réaliser des versements volontaires peut être un moyen pour le dirigeant d’aller chercher l’abondement maximal de l’entreprise. Mais également de consommer leur plafond d’épargne retraite de l’année mentionnée sur leur avis d’imposition, auquel s’ajoutent ceux non utilisés sur les trois années précédentes, avec l’avantage de pouvoir déduire ces versements volontaires de leurs revenus imposables(4). De plus, si l’entrepreneur est marié ou pacsé, les plafonds de déduction sont mutualisables à condition que leurs revenus soient déclarés conjointement.
Ces dispositifs sont donc incontournables ?
J.B. L. – Les dispositifs d’épargne salariale et retraite doivent être plus largement déployés par les entrepreneurs car ils s’inscrivent pleinement dans la stratégie patrimoniale et de rémunération du dirigeant. La seule question à se poser : est-ce qu’il y a un salarié en plus du dirigeant ? En cas de réponse positive, votre conseiller en gestion de patrimoine et votre conseiller professionnel vous accompagneront dans leur mise en place afin de répondre au mieux à vos besoins et objectifs.
Bon à savoir : Pour un dirigeant de SASU/SAS, sans salariés, s’il est également associé unique, et qu’il perçoit une rémunération au titre de son mandat social, il peut bénéficier du PER Obligatoire. Il s’agit d’un dispositif d’épargne retraite qui propose à l’entreprise de réaliser des cotisations obligatoires pour une catégorie de salariés (avec ou sans leurs contributions).
(1) https://www.interepargne.natixis.com/epargnants/faire-vivre-mon-epargne/je-debloque-mon-epargne/
(2) L’abondement versé ne doit pas excéder 8 % du PASS pour le PEE(I) et 16 % du PASS pour le PERCOL(I).
(3) La somme perçue au titre de l’intéressement ne peut pas dépasser 75 % du PASS par an et par bénéficiaire.
(4) Depuis le 1er janvier 2019, le forfait social ne s’applique pas sur l’abondement pour les entreprises de moins de 50 salariés, ni sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés.
(5) Déductible du revenu net global dans la limite du montant le plus élevé entre 10 % des revenus professionnels imposables de l’année N-1 plafonnés à 8 % du PASS de l’année N-1 ou 10 % du PASS de l’année N-1.
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