
Acheter un bien immobilier : en direct ou via une SCI ?

Après avoir exploré les aspects juridiques de deux modes d’acquisition dans le 1er volet de notre série « Comment acheter un bien immobilier ? », ce second article se penche sur leurs implications fiscales. Objectif : apporter un éclairage structuré sur les spécificités à prendre en compte dans la construction d’un projet patrimonial.
Détenu en direct ou via une société civile immobilière (SCI), un bien nu mis en location génère des revenus. Comment sont-ils traités fiscalement ?
Sébastien Bieron, Banquier Privé à la Banque Populaire Méditérranée – Lorsque vous louez un bien immobilier locatif nu(1) acquis en direct, vous percevez des revenus fonciers soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR) et aux prélèvements sociaux, actuellement de 17,2 %. Le revenu imposable correspond au revenu net de charges. Lorsque les revenus annuels(2) sont inférieurs à 15 000 €, un abattement forfaitaire de 30 % peut être appliqué au titre des charges déductibles (régime micro-foncier).
Lorsqu’ils sont supérieurs ou sur option, vous pouvez choisir le régime réel d’imposition et déduire, notamment, les dépenses d’entretien, de réparation ou d’amélioration réellement engagées et payées. Vous pouvez également déduire certaines charges comme les travaux de rénovation, les intérêts d’emprunt et la taxe foncière… En revanche, les travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement (gros œuvre, création de nouvelles surfaces habitables notamment) ne sont pas déductibles. Ils ne pourront être pris en compte qu’en majoration du prix d’acquisition, lors de la cession du bien, pour le calcul de la plus-value immobilière potentiellement imposable. Si, après déduction des charges, les revenus fonciers sont négatifs, un déficit foncier est constaté. La part du déficit foncier, qui résulte des dépenses autres que les intérêts d’emprunt, peut être déduite de votre revenu global dans la limite de 10 700 €(3), à condition de louer le bien nu jusqu’au 31 décembre de la 3ème année suivant celle de l’imputation du déficit foncier sur le revenu global. L’excédent du déficit est reportable sur le revenu global pendant six ans. La fraction supérieure à ce plafond, et/ou celle des charges d’intérêts d’emprunt excédant les loyers perçus l’année considérée, viendront en déduction des revenus fonciers pendant les dix années suivantes.
Marion Azoulay, Ingénieure Patrimoniale à la Banque Populaire Méditérranée – Dans le cas d’une SCI soumise à l’IR, et lorsque tous les associés sont des personnes physiques, le revenu net imposable est calculé au niveau de la société(4) selon les mêmes règles d’imposition des revenus fonciers précédemment évoquées. La base imposable et la fiscalité sont identiques à celles d’un bien détenu en direct. En vertu de la semi-transparence qui s’applique aux sociétés de personnes, ce sont les associés qui sont redevables de l’impôt. Chacun d’eux déclare alors sa quote-part de résultat au prorata de sa participation au capital social(5), sauf exception conventionnelle licite prévue et opposable.
Et dans le cas d’une SCI soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) ?
M. A. – La SCI à l’IS déterminera son bénéfice imposable selon les règles des sociétés commerciales (bénéfices industriels et commerciaux). Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2025, le taux normal d’IS est de 25 %. Un taux réduit de 15 % peut s’appliquer sur la part des bénéfices compris entre 0 € et 42 500 € sous conditions(6). Si la SCI dégage un déficit, celui-ci peut être reporté sur les dix années suivantes. La différence majeure avec une SCI à l’IR est la possibilité d’amortir le bien immobilier (hors la quote-part de « terrain » réputée constitutive du bien immobilier acquis) en déduisant chaque année une partie du coût d’acquisition des bénéfices imposables jusqu’au terme du plan d’amortissement. Dans une stratégie de portage du bien, la pression fiscale supportée par une SCI à l’IS est moindre grâce à cette possibilité d’amortissement, à des charges déductibles plus nombreuses et à un taux d’IS souvent inférieur à l’IR et aux prélèvements sociaux. En effet, les frais payés à l’occasion de l’acquisition du bien (frais de notaire, droits d’enregistrement), la rémunération du gérant de la SCI quand il est payé, ainsi que toutes les charges engagées dans l’intérêt de la société sont déductibles du résultat imposable à l’IS. Il en est de même pour les travaux de construction et d’agrandissement via l’amortissement. C’est alors la société qui est directement redevable de l’impôt, les associés n’étant imposés qu’en cas de distribution de dividendes (flat tax de 30% ou barème progressif de l’IR sur option). L’éventuel remboursement du compte courant d’associé créé par les apports des associés (à l’acquisition ou pour le remboursement de l’emprunt) ne génère, lui, aucune fiscalité personnelle.
Quelles règles fiscales s’appliquent en cas de cession du bien ?
M. A. – Pour un bien détenu en direct ou via une SCI non soumise à l’IS, la plus-value relève du régime des plus-values immobilières des particuliers (à l’exception de l’exonération pour cession de résidence principale). La plus-value représente le prix de cession moins le prix d’achat, lui-même majoré d’un forfait de 15 % pour travaux si le bien est détenu depuis plus de 5 ans et de 7,5 % pour frais d’acquisition(7). Ce régime prévoit une taxation à l’IR au taux forfaitaire de 19 % et aux prélèvements sociaux au taux actuel de 17,2 %. Surtout, la plus-value est diminuée d’un abattement pour durée de détention, qui conduit à exonérer d’IR la plus-value au-delà de 22 ans, et des prélèvements sociaux au-delà de 30 ans. Toutefois, une surtaxe de 2 % à 6 % s’ajoute en cas de plus-value supérieure à 50 000 €. De même, une importante cession peut générer une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), si le revenu fiscal de référence est supérieur à 250 000 € pour un contribuable seul (célibataire, veuf, séparé ou divorcé) ou 500 000 € pour un contribuable marié ou pacsé (voire même une contribution différentielle sur les hauts revenus, qui s’ajouterait depuis 2025, le cas échéant).
S. B. – Dans le cadre d’une SCI à l’IS, la vente est imposée selon le régime des plus-values professionnelles. La plus-value est calculée en soustrayant la valeur nette comptable (VNC, prix d’achat – amortissements) du bien de son prix de cession. Par conséquent, plus la VNC est basse, plus la plus-value imposable est importante. Celle-ci est soumise aux taux en vigueur de l’IS, sans qu’un abattement pour durée de détention puisse être apppliqué. La plus-value réalisée constitue alors un résultat exceptionnel, qui peut être mis en réserve ou distribué. Aucune fiscalité supplémentaire n’est due s’il n’y a pas de distribution.
Et en matière d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ?
M. A. – Que le bien immobilier soit logé dans une SCI (IR ou IS) ou détenu en direct, il est constitutif de la base imposable à l’IFI. Les contribuables en sont redevables uniquement si la valeur nette de tout leur patrimoine immobilier taxable dépasse le seuil d’1,3 million d’€ au 1er janvier de l’année d’imposition. Les dettes affectées à l’acquisition des biens immobiliers imposables, et uniquement celles-ci, peuvent être déduites de l’assiette taxable. Il existe des règles bien spécifiques en matière de valorisation des actifs. La valeur réelle des biens doit être retenue. Cependant, dans certaines limites, des décotes pour indivision, occupation, vétusté ou autres motifs peuvent être admises si elles sont justifiées. De la même manière, lorsque le bien est détenu en SCI, il convient de déterminer la valeur imposable des parts sociales. Il existe plusieurs méthodes de valorisation, la plus usuelle étant la méthode de l’actif net réévalué. Le cas échéant, l’administration fiscale peut admettre l’application de décotes de minorité et d’illiquidité, comprises entre 10 % et 20 % de la valeur des parts de SCI. La déductibilité des comptes courants d’associés obéit également à certaines règles. Recourir à l’expertise d’un professionnel peut donc s’avérer utile.
Comment percevoir le fruit de la cession ?
S. B. – Dans le cas d’une vente en direct, le produit de la cession est versé sur le compte du vendeur, qui en dispose comme bon lui semble après l’éventuel prélèvement de la fiscalité due par le notaire. Précisons que la nature du bien immobilier cédé et/ou sa durée de détention, notamment, peut conduire sous conditions à une exonération totale des prélèvements sociaux et/ou de l’impôt sur la plus-value immobilière.
Lorsqu’une SCI à l’IR cède un actif, le prix de cession est versé sur son compte courant. Si les associés souhaitent capter la totalité du prix de vente, et dans le cas où le bien immobilier cédé est le seul actif de la SCI, ils doivent, en principe, dissoudre et liquider la société après paiement du passif social et se distribuer le boni de liquidation. Quant au remboursement de leur compte courant d’associé, ils peuvent le demander à tout moment.
Pour percevoir le produit de cession du bien dans le cadre d’une SCI à l’IS, les associés peuvent, s’ils le souhaitent, se distribuer des dividendes, actuellement soumis à la flat tax de 30 %, ou procéder à une réduction de capital non motivée par des pertes. Dans ce cas, les associés sont imposés directement sur la somme qu’ils perçoivent selon un régime fiscal qui diffère en fonction de la nature de la réduction de capital réalisée(8). Tenir une comptabilité – fortement recommandée pour une SCI à l’IR et obligatoire pour une SCI à l’IS – apparaît dans tous les cas nécessaire pour déterminer si un résultat est distribuable ou pas.
En matière de transmission, en quoi la SCI se démarque-t-elle ?
M.A. – La SCI à l’IS ou à l’IR comme outil de détention d’un patrimoine immobilier permet d’anticiper plus facilement sa transmission aux enfants. En effet, il est possible de donner, voire de céder la nue-propriété des parts sociales de son vivant. Or, lorsque le bien a été financé par apports des associés ou financement bancaire, la valeur des parts de la société est comptablement quasi nulle (ou égale à son capital social) au moment de l’acquisition et donc de la transmission(9). En cas de donation d’un bien en direct, la base imposable correspond à la valeur du bien sans possibilité de déduire la dette d’acquisition, ce qui est moins favorable. Rappelons néanmoins que cette stratégie est pertinente en présence d’un bien locatif financé par un établissement bancaire, mais qu’elle l’est moins en cas de financement par apports personnels, car la créance relative au compte courant d’associé, non transmise par la donation des parts, demeure imposable lors de la succession.
(1) Par opposition à une location meublée.
(2) Ce seuil est également celui retenu en cas de mise en location nue en cours d’année civile.
(3) Rehaussement temporaire du déficit foncier imputable à 21 400 € pour les travaux de réparation et d’amélioration permettant de passer d’une classe énergétique E, F ou G à une classe A, B, C ou D au plus tard le 31 décembre 2025.
(4) Via le formulaire 2072 chaque année.
(5) Déclarations n°2042 et 2044, le cas échéant.
(6) Le chiffre d’affaires hors taxe est inférieur à 10 millions d’euros, et le capital est entièrement reversé et détenu à au moins 75 % par des personnes physiques (ou par une société appliquant ce critère).
(7) Sauf exceptions légales ou prévues par la doctrine administrative fiscale, et ce, sous conditions autorisant la substitution de montants réels.
(8) https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F36653
(9) Selon la même méthode de valorisation de l’actif net réévalué permettant de déduire de la valeur des actifs les dettes bancaires ou d’associés.
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