Investir dans l’intelligence artificielle, mode d’emploi

Tendance de long terme, l’intelligence artificielle (IA) est une thématique d’investissement d’avenir, qui concerne de nombreux secteurs de l’économie et leurs utilisateurs.

Si, ces dernières années, les grandes valeurs technologiques qui incarnent l’intelligence artificielle (IA) ont tiré les indices boursiers vers le haut, elles affichent depuis le début de l’année des performances en demi-teintes. Plusieurs mesures ont, en effet, été perçues comme des freins à la croissance de ces valeurs : droits de douane sur des produits en provenance de Chine vers les États-Unis et inversement, restrictions d’exportations par l’administration Trump de certaines puces et de matériels pour les fabriquer, lancement de l’IA générative chinoise DeepSeek … Pour autant, « le paradigme qui veut que soient utilisées de plus en plus de données et de capacités de calcul pour entraîner des grands modèles de langage d’IA, qui font la course à la taille en termes de milliards de paramètres pour être plus justes, plus pertinents et donc plus utiles aux utilisateurs, n’est pas compromis, affirme Karen Kharmandarian, Président et Directeur des investissements de Thematics Asset Management, filiale de Natixis Investment Managers. Pour se développer, les modèles d’iA ont toujours besoin de beaucoup d’investissement ». La preuve en est, Alphabet, Amazon, Meta et Microsoft ont confirmé qu’ils prévoyaient de consacrer plus de 320 milliards de dollars en 2025 au développement de modèles et de centres de données d’IA, après les 230 milliards de dollars déjà dépensés en 2024. Des sommes que ni le contexte macroéconomique ni les décisions réglementaires et géostratégiques ont remis en cause.

Accompagner le développement de l’IA

Aujourd’hui, l’essentiel des opportunités en matière d’investissement se situe chez les producteurs de semi-conducteurs et de puces graphiques, indispensables pour entraîner les modèles et héberger les données. « Ces derniers s’appuient sur un écosystème d’équipementiers comprenant des fabricants de machines de photolithographie et de puces, des hébergeurs de données et des développeurs de modèles », indique Karen Kharmandarian. Les grands fournisseurs de cloud public et de gestion de base de données, ainsi que les éditeurs de logiciels qui les traitent constituent également un rouage important de cette infrastructure. Pour le spécialiste, « il est primordial, dans un premier temps, d’être exposé sur ces acteurs, véritables facilitateurs de développement de l’IA, puisqu’ils concentrent la majorité des investissements et de la croissance de l’IA ».

Séquencer l’investissement

L’étape suivante consiste, pour les entreprises, à s’approprier ces modèles et à les intégrer dans les produits et les services qu’elles commercialiseront ensuite auprès d’autres entreprises et des particuliers. « Les opportunités d’investissement vont ainsi passer des acteurs des infrastructures vers ce type d’acteurs, annonce Karen Kharmandarian. Cela revient à séquencer l’investissement et l’exposition de notre portefeuille afin de profiter de cette thématique dans le temps ». Autrement dit, par-delà les « pure players », il convient d’investir sur l’ensemble de la chaîne de valeur liée à l’IA, des fournisseurs de composants jusqu’aux utilisateurs finaux. Ainsi, « dans le domaine de la santé, les robots chirurgicaux sont utilisés dans un nombre croissant d’opérations, observe Karen Kharmandarian. Grâce à la masse de données traitées, l’IA permet aussi d’apporter un diagnostic plus précis et rapide, d’identifier plus vite et de manière moins coûteuse les molécules efficientes, susceptibles de devenir des médicaments ou d’aider les laboratoires à rentabiliser des projets et à considérer des traitements destinés, par exemple, à soigner des maladies orphelines ». Les véhicules sans conducteur représentent une autre opportunité, car ils impliquent des technologies et des entreprises indispensables à la fabrication de véhicules autonomes. Les acteurs de l’e-commerce, de la distribution, le secteur bancaire et de l’assurance sont aussi susceptibles d’en profiter pour améliorer la satisfaction client. « Dès qu’il y a de la donnée, notamment numérique, il y a des progrès significatifs à apporter, assure Karen Kharmandarian. De plus, avec une technologie générique qui se diffuse rapidement à quasiment l’ensemble de l’économie et des marchés adressables importants, l’offre peut aussi être monétisée rapidement et ainsi générer un retour sur investissement attractif ».

Intégrer les critères ESG

Comme tous les marchés en forte croissance, le développement de l’IA est très énergivore. En effet, « d’une génération de puce à l’autre, la consommation d’énergie augmente de manière significative, confirme Karen Kharmandarian. En 2017, la puce V100 de NVIDIA consommait 250 watts, celle de 2026, Rubin, devrait consommer 1 800 watts ». La chaleur ainsi générée nécessite l’installation de systèmes de refroidissement liquide dans les centres de données. Au final, un centre de données dédié à l’IA génère cinq fois plus de chaleur qu’un centre classique et consomme dix fois plus d’énergie pour être refroidi. Par conséquent, « les grands centres de données d’IA sont généralement construits proches de centrales nucléaires pour assurer une production permanente d’électricité », précise Karen Kharmandarian. Concernant les besoins en eau, une usine de dernière génération de TSMC en consomme 38 millions de litres par jour pour fabriquer ses puces. Dès lors, avec le changement climatique, les ressources en eau seront-elles suffisantes pour faire fonctionner ces usines ? « Cela peut effectivement constituer un frein au développement de l’IA », reconnait Karen Kharmandarian. Autre frein potentiel, social cette fois : les tensions avec les populations locales en cas de stress hydrique. Que décideront alors les autorités locales ? Privilégieront-elles les centres de données ou les populations ? « C’est pour ces raisons que les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont intégrés à toutes les étapes de notre processus d’investissement, explique Karen Kharmandarian. À la fois, dans la définition de l’univers d’investissement, dans la sélection des valeurs et leur pondération en fonction de risques extra-financiers identifiés, mais aussi dans notre engagement auprès des entreprises en portefeuille en les accompagnant dans l’amélioration de leurs pratiques ESG ». Avant d’investir dans une entreprise, la société de gestion se montre donc attentive aux risques en termes d’accès à l’eau, d’énergie, de propriété intellectuelle et de cybersécurité. Sur ce dernier point, si l’IA semble propice à la cybercriminalité, elle permet toutefois d’identifier les fraudes, de les bloquer et d’apporter des solutions.

S’il existe de multiples voies pour investir dans l’IA, ce type de placement n’est pas non plus sans risques. Il convient donc de construire avec votre conseiller une allocation diversifiée afin de mutualiser le risque et de réduire la volatilité à moyen-long terme.

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